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Rita Mercedes décortique « Les Incrustacés »

16 décembre 2013 |

Deux hommes étranges sur une plage. L’un assomme un marin, vole son bateau, et entraîne son comparse dans une aventure étrange, sur les mers… Avec Les Incrustacés, un ouvrage ambitieux et épais, Rita Mercedes étonne, fascine, séduit. L’illustratrice explique la genèse de cet album enthousiasmant, qu’elle a façonné pendant dix ans.

incrustaces_rita_mercedesComment sont nés ces Incrustacés ?

C’est vieux… J’ai terminé ce livre en 2006. L’idée était venue d’une conversation avec des amis hommes sur la place des femmes dans les albums de bande dessinée. J’étais effarée par leurs récits, leur façon de pointer l’inutilité des personnages féminins dans les aventures de Tintin, par exemple. Le week-end suivant, cette histoire tournait dans ma tête. J’y ai agrégé les personnages d’un album précédent, Mardi gris. Et hop, j’avais la trame du voyage de mes protagonistes, quelques-unes de leurs rencontres.

Qui sont vos héros ?

Des êtres humains pas clairement catégorisés, des hommes complexes, ambigus, qui s’habillent en femme sans problème. Des Bouvard et Pécuchet marginaux, un peu malades dans leur tête. L’un est actif, l’autre contemplatif. Ils ont une relation de couple, où la sexualité n’interfère pas. Pour moi, le couple est une sorte d’enfermement. J’ai trouvé amusant d’en faire la caricature.

incrustaces_1Qu’avez-vous voulu démontrer ?

Rien du tout. Ce qui m’intéresse, c’est que chacun tire ses propres conclusions, repère des liens entre les pages, des effets de symétrie. Si je décryptais mon propre travail, ce serait comme couper la parole aux lecteurs. En dédicace, certains me disent voir l’influence des Voyages de Gulliver dans cet album – alors que je n’ai jamais lu ce roman de Jonathan Swift ! C’est enrichissant.

Pourquoi verser dans l’aventure ?

Il fallait mettre mes héros dans des circonstances exceptionnelles, pour provoquer des rencontres inattendues. A la manière des périples des grands voyageurs du XVIIIe siècle qui, à leur retour, faisaient dessiner leurs péripéties par des gens qui n’y étaient pas. Résultat, ces récits d’expéditions scientifiques ou géographiques, ces véritables épopées, ne restituaient pas du tout la réalité ! Quand j’ai représenté le fond des mers, j’ai fait comme si j’étais un dessinateur de ce siècle-là : j’ai laissé courir mon imagination.

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Imaginiez-vous dès le départ un récit de 160 pages ?

Non, pas du tout. J’ai commencé par en réaliser une vingtaine. Mais comme je n’avais pas de commande d’illustrations, et qu’une idée en amenait une autre, j’ai continué, je me suis laissée entraîner. Les Incrustacés m’a occupée par intermittence pendant une petite dizaine d’années, quand je n’avais pas de travail ni de problèmes familiaux.

incrustaces_3Comment avez-vous choisi cette forme graphique ?

J’aime ce style ancien, proche de la gravure. Tous ces petits traits à la plume donnent du dynamisme à l’ensemble. Surtout, j’apprécie cette activité contemplative. Je ne sais pas faire les choses rapidement. Je suis un peu obsessionnelle, perfectionniste. J’ai travaillé en même temps le texte et le dessin, tout était entremêlé. À la manière du travail de Christophe, l’auteur du feuilleton La Famille Fenouillard.

Le texte est très littéraire…

Oui, j’avais envie de romanesque. Mais ce fut une grosse contrainte : j’ai dû m’éloigner du texte, justement, en dessinant, pour ne pas redonder.

Quel est votre parcours ?

Après un bac en arts plastiques, je me suis mise, dès l’âge de 19 ans, à dessiner pour Hara-Kiri. J’ai ensuite suivi des études d’architecture, qui m’ont appris à mener un projet de bout en bout. Cela m’a aussi permis de mieux gagner ma vie… Mais ce type de travail prend trop de temps et de concentration. Et puis l’informatique est arrivée, alors que je préférais dessiner sur papier. Alors je me suis mise à l’illustration.

Quels projets avez-vous ?

L’histoire d’un type apparemment normal, un personnage prétexte que j’ai envie de mettre dans plein de situations, dans le métro aussi bien que dans un contexte de science-fiction…

Propos recueillis par Laurence Le Saux

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Les Incrustacés
Par Rita Mercedes.
L’Association, 29€, le 22 août 2013.

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Images © L’Association.

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