Rome West
Et si on se prêtait au jeu du « et si » avec l’Histoire américaine ? Le procédé a donné quelques chefs d’oeuvre comme le roman Le Maître du Haut-Château de Philip K. Dick, mètre-étalon de l’uchronie, ou plus proche de nous, dans les comics, la très réussie American Vampire. Dans Rome West, Brian Wood (Demo, Local) et Justin Giampaoli introduisent leur première turbulence dans le cours de l’Histoire telle que nous la connaissons en l’an 323, en imaginant l’arrivée de premiers colons européens sur le sol américain, plus de dix siècles avant Christophe Colomb : des Romains, qui fondent sans tarder un avant-poste de leur glorieux empire, Roma Occidens. Les conséquences de cet événement seront colossales et les auteurs, associés au dessinateur Andrea Mutti, les explorent en 11 chapitres opérant entre chacun des bonds de plusieurs décennies voire de plusieurs siècles.
L’occasion pour eux de varier les plaisirs, en recourant à chaque fois à des genres et procédés narratifs différents, comme le récit de guerre, l’espionnage ou encore la romance. Avec pour fil rouge, un clan, les Valerius, dont on suit le destin et les descendants, au fur et à mesure de leur installation, leur association avec les autochtones Amérindiens, leurs confrontations et marchandages avec les Aztèques au Sud résultant en avancées technologiques foudroyantes, puis leur face à face avec des Vikings incrédules, suivi d’un certain Colomb. Jusqu’à nos jours. Tout cela est très prometteur sur le papier et laisse entrevoir ponctuellement ce que le projet aurait pu donner, traité avec davantage de rigueur.
Le talent des auteurs n’est pas en doute : Brian Wood est un scénariste doué, qui a par le passé prouvé avec DMZ qu’il excellait justement dans le genre uchronique ou, avec Northlanders, dans la fresque historico-guerrière. Les choix ne sont ici malheureusement pas les bons et le découpage trop brutal en micro-épisodes de quelques pages ne sied pas à cette fresque. On ne s’attache à rien ni personne dans ce cours d’histoire alternative professé à la va-vite et suivi de loin, à la longue vue. Et puis, certaines incohérences font bondir au point de remettre vraiment en doute le sérieux éditorial de cette affaire, à l’image de l’ignorance dont font preuve les habitants de Rome Ouest à propos de ce Jésus dont Christophe Colomb ne cesse de parler – quand même étonnante de la part de descendants d’un peuple qui connaissait le christianisme depuis trois siècles avant de débarquer en Amérique. Et si, en fait, on passait plutôt notre tour ?
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