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Sacha Goerg creuse le mystère de « La Fille de l’eau »

20 février 2012 |

Une jeune fille déguisée en garçon sort de l’eau. Elle infiltre la famille d’un architecte récemment décédé, en proie à un questionnement taraudant… Dans La Fille de l’eau, le Suisse Sacha Goerg, 36 ans, explore délicatement les traumas d’êtres complexes et perturbés. Il revient sur cet album intimiste et expressif.

fille_1Qui est votre héroïne, Judith ?
C’est une fille volontaire, têtue, qui s’est faite toute seul. Mais elle n’est pas d’un seul bloc, elle doute. Car elle est en quête d’identité, comme tous les personnages de cet album. Judith a découvert que son père est mort et avait une autre vie, elle doit désormais se reconstruire. Son arrivée dans la famille de son géniteur va forcer tout le monde à reconnaître que quelque chose ne va pas.

D’où est venue l’idée d’un huis clos autour du deuil ?
Mon point de départ était une jeune fille qui se fait passer pour un garçon. Un concept venu d’une pièce de Manfred Karge, Max Gericke ou du pareil au même : l’histoire d’une femme qui, pendant la Seconde Guerre mondiale, prend l’identité de son mari. Je souhaitais l’adapter en bande dessinée, mais le contexte historique me demandait beaucoup de travail. J’ai mis le projet de côté, puis j’ai en ai repris certains morceaux.

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fille_3Le décor, à la fois très végétal et minéral, prend beaucoup d’importance dans ce récit.
En Suisse, d’où je suis originaire, j’ai souvent eu l’eau et les montagnes sous les yeux. Cela a changé quand je me suis installé en Belgique, et ces repères me manquent. Cela a toujours transpiré dans mon travail. Et certains éléments résonnent symboliquement : l’album s’appelle La Fille de l’eau, or le père de Judith est mort dans l’eau ; on peut y voir un jeu de mots.

Comment l’avez-vous conçu, graphiquement parlant ?
Mes planches comportent moins de cases que celles de BD plus classiques, pour laisser s’installer les personnages, et permettre au lecteur de vivre quelque chose avec eux. J’utilise des cases sans bord, qui autorisent le dessin à s’autodéfinir par une tache de couleur. Il y a déjà des bulles à intégrer dans le récit, je trouve que c’est une contrainte suffisante. Et puis les cases à bord donnent une sensation d’enfermement, réduisent le trait… Mais, si on choisit de ne pas les utiliser, il faut beaucoup de blanc pour aérer l’aquarelle et rendre l’ensemble lisible.

Quel est votre parcours ?
J’ai toujours dessiné. Pendant mes études à l’ERG (Ecole de Recherche Graphique) de Bruxelles, j’ai réalisé que la BD était un secteur moins bouché que la peinture, et qu’il y avait beaucoup de choses à faire encore dans ce domaine. Avec quelques camarades, nous avons fondé la structure L’Employé du moi pour produire des fanzines.
fille_4C’était très excitant de réaliser des bandes dessinées non-stop, même si le résultat était inégal. Très vite, nous nous sommes mis à éditer des livres. Aujourd’hui, L’Employé du moi est animé par six personnes, toutes bénévoles, et a une extension en ligne, Grandpapier.

Comment se porte la maison d’édition ?
Sachant que c’est la crise, disons que ça ne va pas trop mal. Mais c’est de moins en moins évident. Nous publions très peu d’ouvrages, et nous les soignons particulièrement, pour leur donner le plus de chances possible en librairie. Nous n’avons pas l’ambition de grossir, juste de tenir, de garder la foi et de payer un petit peu les auteurs.

Pourquoi avoir publié La Fille de l’eau chez Dargaud ?
Tout simplement pour gagner de l’argent, et voir cet album diffusé plus largement que ce qu’une petite structure pourrait permettre. Des amis m’ont dit que Dargaud assurait bien la promotion de ses livres, donc je suis allé y proposer mon histoire. Et ça a marché tout de suite.

Votre album a été installé sur la plateforme MMC BD, qui permet aux internautes de co-financer des projets. Qu’en avez-vous retiré ?
fille_6Dargaud m’a proposé l’expérience une fois mon contrat signé. Je ne voyais pas bien ce que c’était, mais comme je suis curieux, je n’ai pas voulu mourir idiot… L’effet n’a pas été spectaculaire. Mon projet était l’un des premiers présentés, et il était déjà très abouti. Les internautes n’ont donc pas pu suivre les étapes en direct. Il y a eu des commentaires, un peu d’interaction, comme sur Facebook par exemple. Mais le montant plancher de 10 000€ n’a pas été atteint, et l’argent récolté a été rendu.

Quels sont vos projets ?
Je prépare une histoire d’amour ratée entre jeunes adultes, rythmée par le rapport des personnages au jeu vidéo. J’y parlerai à nouveau du rapport à la mort, des chances et opportunités que l’on a avant de trépasser. Et cette fois, j’essaierai d’en densifier la lecture, en augmentant le nombre de cases par page.

Propos recueillis par Laurence Le Saux

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La Fille de l’eau
Par Sacha Goerg.
Dargaud, 18€, le 20 janvier 2012.

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Images © Dargaud.

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