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Saïd Sassine : d’amour et de bonbons

7 novembre 2019 |

said-sassine_photoTombé dans les dessins animés quand il était petit, Saïd Sassine s’est forgé année après année un style de dessin inspiré des oeuvres japonaises (Vacances virtuelles, 2004, Bamboo) qui l’a propulsé vers le manga Wakfu lancé par Tot, puis à piloter son propre manga, Shôchû on the Rocks chez Ankama. Des oeuvres qui ont forgé son caractère à défaut de rencontrer un gros succès. Voilà pourquoi il parle d’une « renaissance » avec la trilogie Bonbon Super, lancée cet automne chez Glénat, et qui souffle un vent de fraîcheur dans le rayon tout public. Avec son design très kawai, encore inspiré des mangas, l’album opte pourtant pour un grand format aux couleurs pop réjouissantes et au découpage européen classique. Comme un pont entre les genres et les publics, afin de retrouver le plaisir simple de raconter des histoires légères avec plein de détails délirants dedans, et de les partager, enfin, avec le plus grand nombre. De passage à Lyon à la librairie Momie, Saïd Sassine s’est confié avec humilité et humour à BoDoï, et promet de grosses surprises pour la suite de sa série.

Pourquoi avoir voulu raconter une histoire sur le sujet de l’amour ?

Je cherchais un sujet universel, quelque chose qui me pousse à me renouveler et me sortir des schémas mangas. L’amour, c’est universel, non ? Alors je suis parti là-dessus, mais ça ne suffisait pas pour une bonne histoire. Il fallait ajouter la souffrance liée à l’amour ! Le personnage de Stan le vampire est arrivé là-dessus : il n’est pas accro au sang, mais à l’amour des autres. Il s’en nourrit et ne pense pas faire le mal en enlevant ce sentiment du coeur des gens, car il est persuadé qu’ils tomberont de nouveau amoureux un jour.

bonbon-super-sassine5Il apparaît en effet assez ambigu, méchant et touchant, désagréable et paumé…

Il est jeune, il se comporte comme un ado. Dans le tome 2, on découvrira son père et la relation qui les unit. Sa relation avec Pistache est révélatrice. Il la casse, l’humilie, mais la protège aussi. Mon histoire parle aussi de victimisation. Pistache, elle, est moquée pour son aspect, mais elle persiste et distribue des bonbons qui dépriment, reprenant ainsi la main. Car elle ne veut plus être un Bonbon Super, ce qu’elle est censée être, mais ça aussi je l’expliquerai plus tard…

Mais pourquoi avoir choisi pour héroïnes des bonbons ?

Toujours dans l’idée de me renouveler, je suis redescendu au « rez-de-chaussée » dans ma tête. Ça fait 30 ans que je regarde et dessine des trucs violents, avec une jubilation assumée. Mais, même si j’aime toujours ça, je me suis demandé quel enfant j’étais et ce que j’adorais alors. Réponse : les bonbons ! Et spontanément, dans ma quête de douceur, j’ai dessiné des personnages féminins. Stan aussi est plutôt efféminé.

bonbon-super-sassine1Et en face, on a le velu et renfrogné Cassius…

C’est clairement le personnage le moins kawai de l’album… Pour moi, le chien – car c’est un chien, même si certains y voient un loup… – est l’animal qui représente le mieux l’homme. Miyazaki utilisait des cochons, moi c’est des chiens. Il a un côté tendre physiquement, mais au fond c’est un grincheux.

Et le « Super » dans « Bonbon Super » ?

J’adore ce mot « Super » ajouté, comme dans Dragon Ball Super. Ça m’évoque un grand voyage, ça me fait rêver ! Et ça marche plutôt bien avec « Bonbon », non ?

[À ce moment-là, le libraire de Momie Lyon intervient, avec une question qui lui brûle les lèvres : « Et comme dans Dragon Ball, y aura-t-il des fusions ? » ]

Hahaha ! Si Toriyama a inventé les fusions, c’est bien pour que ça serve ! Donc, oui, il y aura une fusion !

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bonbon-super-sassine2Après des années à découper vos histoires et dessiner à la manière des mangas, le changement de cap a-t-il été compliqué ?

Bien sûr, c’est toujours difficile de se remettre en question. Je ne peux pas changer toute ma grammaire graphique à 43 ans ! Mais je voulais vraiment essayer la douceur, pour une fois. J’ai viré mon alphabet graphique anguleux, pour aller vers des choses plus élastiques à la Adventure Time. Je me suis aussi débarrassé des articulations sur mes personnages, ils n’ont plus de coude ! Fini aussi les cases tordus, les angles de caméra compliqués… L’important était de susciter des sensations. Essayer de dessiner de nouveau comme un enfant m’a paradoxalement amené vers une forme d’aisance. Julien Neel [Lou!] et Guillaume Bianco [Billy Brouillard] m’ont poussé à persévérer dans ce sens-là.

Techniquement, avez-vous dû revoir « vos gammes » ?

En faisant évoluer ma grammaire graphique, je me suis parfois aperçu que j’étais super nul dans certains aspects techniques du dessin, comme les champs-contrechamps. J’ai beaucoup travaillé la lisibilité, et j’ai dû réviser tout mon code de couleurs. Au final, je pense que c’est mon oeuvre la plus aboutie.

Le manga vous inspire-t-il moins aujourd’hui ?

Pendant longtemps, le manga était pour moi une parole de vérité en matière de récits de fiction et il m’a donné des ailes. Dans les années 1970-80, les Japonais avaient énormément d’avance dans les thématiques abordées et leur langage narratif et cinématographique. Aujourd’hui, dans l’animation, sauf quelques bluffantes exceptions comme Your name ou Les Enfants loups, je trouve que c’est beaucoup moins le cas.

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Comment avez-vous construit le scénario ? On a l’impression par moments que vous laissez vivre vos personnages…

Au début, j’ai les grands moments en tête, la ligne directrice, très vite j’ai aussi l’image de fin du premier tome… Mais c’est vrai que je n’anticipe pas tout, je laisse faire mes personnages. Je n’ai pas envie de les secouer, je dois attendre de voir comment ils évoluent. Et parfois, je me retrouve un peu bloqué… Comme pour la scène où tous les personnages se retrouvent dans le bar : je ne sais plus comment les en faire sortir de manière logique ni comment les faire interagir… Ça m’a coincé presque trois semaines ! Et puis, j’ai pensé à Jojo, et au pouvoir du héros d’arrêter le temps… Je donne alors un pouvoir de téléportation à Pistache et ça me permet des ellipses de dingue !

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Et chez Glénat, votre éditeur n’était pas trop stressé de vous voir avancer à vue ?

Nicolas Forsans ne m’a embêté pour rien du tout, il avait une grande confiance dans le concept, la même approche des personnages que moi. C’était très agréable. On s’est retrouvés comme des enfants face à ce projet, et c’est une belle expérience.

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Viser le grand public était un objectif?

Non, je ne pense pas les choses ainsi. J’ai juste essayé de construire une histoire la plus sincère possible, en trouvant un nouveau langage pour moi. Je me dis que si cela satisfait l’enfant qui est en moi, alors ça pourrait plaire à tous les enfants ! Je l’espère en tout cas.

Propos recueillis par Benjamin Roure

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Bonbon Super #1 – 1, 2, 3, Pistache…
Par Saïd Sassine.
Glénat, coll. Tchô la collec…, 88 p., 14,95 €.

Images © Saïd Sassine/Glénat – Photo DR

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