Saison des Roses
Barbara, alias Bab, vit à Rosigny-sur-Seine, une banlieue avec de grandes tours lugubres, coincées entre le Lidl et un stade étriqué. En terminale, elle consacre l’essentiel de son énergie à son club de foot. Avec Mina, Candice, Aïssata ou encore Halima, elles s’entraînent avec rigueur et sérieux sous les conseils de leur entraîneur Esteban, la passion chevillée aux crampons. Jusqu’au jour où Barbara apprend que la section féminine du club va être déclarée forfait pour la saison, faute d’un budget suffisant, consacré avant tout à l’équipe masculine, l’avenir du club. Le début de la révolte…
Sujet atypique mais de circonstance avec, le mois prochain, la Coupe du monde de foot féminin en France. Chloé Wary (Conduite interdite) nous embarque donc sans difficulté dans sa petite banlieue : des tours hautes qui assombrissent le ciel, un supermarché discount, une galerie marchande où les filles zonent, un stade municipal coincé entre l’autoroute et un parking, puis des filles qui refont le monde à coups de « c’est la hess », « t’as le seum » et « on les a bien niquées celles-là »… Une grisaille routinière mais éphémère dans l’album, cédant vite la place à la bonne humeur d’une équipe de filles qui tentent de s’affirmer dans un environnement hostile. Un décor parfaitement incarné, qui joue certes des clichés mais pour mieux les dépasser avec l’épopée d’une petite bande de meufs passionnées de ballon rond. Une question de survie dans un monde de brutes où, quand on est une fille, il faut se battre deux fois plus pour exister, parfois avec les moyens de l’adversaire et sur son terrain.
Bien vu le parlé « banlieue » – on s’y croirait – ainsi que les décors. Chloé Wary brosse des jeunes femmes pleines d’énergie, de ferveur et solidaires, mais à fleur de peau parfois. Et fait glisser la petite épopée vers le récit ado qui capte les premières fois et les turbulences de cet âge, semant un peu de sentiments ici ou là avec pudeur. Certains personnages sont seulement effleurés mais la suggestion fonctionne à plein. En partie grâce au dessin et aux choix de découpage. Très belles scènes de foot en mouvement, recherche de l’esthétisme quand le dessin, vif et muet, tente de capter avec force gros plans, dans un élégant ballet de crampons, de jambes et d’herbe qui vole, la technicité et la grâce du geste. Une théâtralité raffinée rehaussée par les très belles couleurs pop, joli contrepoint de la tristesse banlieusarde (qui en devient chaleureuse!), le plus souvent au feutre comme chez Simon Roussin. Tendre et contemplatif : on adhère. La scène finale sans happy end est splendide, sur fond blanc. L’essentiel est ailleurs. Un album irradié d’une étonnante et pétillante dramaturgie. Une réussite !
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