Sarah Cole ***
Par Grégory Mardon, d’après Russell Banks. Futuropolis, 17 €, le 7 mai 2010.
Dans les bars, c’est connu, on peut faire des rencontres. Mais pas toujours celles auxquelles on pourrait s’attendre. Un regard, un sourire, un geste de la main peuvent suffire à engager la conversation, à séduire peut-être. C’est surtout la curiosité qui pousse Paul, jeune et bel avocat, à parler et à connaître Sarah, ouvrière à première vue disgracieuse et sans charme. Attraction malsaine ? Tentation de l’inédit ? Ou véritable passion amoureuse ?
Voilà une histoire qui fait froid dans le dos. En adaptant une nouvelle de l’écrivain américain Russell Banks, Grégory Mardon poursuit son exploration de l’âme humaine, côté obscur. Cette « histoire d’amour d’un certain type » (sous-titre de l’album) est une relecture des contes de princesses qui embrassent les grenouilles, avec une inversion des genres. Ici, le blond Paul courtise la vilaine Sarah, avec une vraie sincérité. La relation contre-nature se tisse peu à peu, dans une certaine spontanéité et un véritable enthousiasme. Mais les deux mondes ne peuvent se mêler et la chute sera brutale. Avare de dialogues et précis dans son découpage, sa ligne sobre et ses gros plans, Grégory Mardon joue la froideur et la distance, comme s’il observait ses deux créatures à travers la vitre d’un bocal. Ce regard chirurgical produit un effet glaçant, d’autant que le récit avance implacablement vers le drame. S’il on est parfois un peu déçu par le manque d’originalité du dessin des décors urbains (l’influence d’un François Avril est trop flagrante pour ne pas gêner), on reste impressionné par une mise en scène juste et efficace d’un scénario terrifiant.
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