Scalp
Surnommé le « prince noir », John Glanton est le type de gars prêt à se battre pour sa terre. Un martyr en puissance, un hors-la-loi qui fascine et inspire la crainte. D’abord Texas Ranger pendant la guerre américano-mexicaine en 1845, John Glanton est ensuite chassé de l’armée après l’annexion du Texas. Trop instable, imprévisible et sanguinaire. Pas grave, fort de sa réputation, il est engagé par l’État de Chihuahua pour chasser les Indiens postés à la frontière du Mexique. Son prix : « 200 dollars par scalp de guerrier mâle, 150 pour celui d’une femme ou d’un enfant. ». À la tête d’une horde ivre de sang et de violence, Glanton se livre à un carnage sans nom…
Librement inspiré de Méridien de sang, le roman de Cormac McCarthy, Scalp retrace la funeste chevauchée de John Glanton, un des plus illustres bouchers du Far West. C’est donc le talentueux Hugues Micol (Tumultes, Le Printemps humain, Terre de feu, Bonneval Pacha…) qui s’est approprié le personnage et une étape de la construction américaine, à mi-chemin entre la conquête de l’Ouest et la ruée vers l’or. Exit le romantisme héroïque et les gentils Indiens de Danse avec les loups. Dans Scalp, titre programmatique, rien n’est épargné à un lecteur qui sait déjà que « ça va très mal finir » : les beuveries sans fin, les orgies expiatoires, les Apaches scalpés, les viols. Entouré de sbires envoûtés, Glanton poursuit une vague quête de fortune transformée en cauchemar collectif. Le destin américain s’incarne alors dans la figure de l’aventurier brutal, gagné par une folie aveugle et meurtrière qui aspire tout le monde. Une sorte d’illuminé, très proche du Aguirre de Werner Herzog.
Hugues Micol, qui fait corps avec son sujet, évite ici le danger de l’esthétisation de la violence pour lui préférer une vision organique. Scalp est ainsi prodigieux dans sa faculté à rester à bonne distance car le trait rageur libère toute la violence de la conquête tout en neutralisant la beauté charbonneuse qui pourrait en surgir. En résulte une tension parfaite, moins belle que puissante, glaçante de vérité. Et quand les mots captent la descente aux enfers, le visuel offre lui une succession de tableaux chorégraphiés, montrant des individus avalés par la mort ou étranglés par des paysages désertiques. Autant d’images qui font de Scalp un chant funèbre à l’aura mystique.
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