Seizième Printemps
La petite renarde Yeowoo n’a que 5 ans quand ses parents se séparent. Sa mère s’éclipse totalement, son père, submergé par la situation et son travail, la confie à son père et sa soeur. Hélas, l’ancien et la vieille fille n’ont guère ni l’envie ni la patience ni l’énergie de s’occuper d’une gamine traumatisée. Yeowoo va cependant grandir là, dans cette maisonnée où elle se forge une carapace solide et une détestation des adultes. Jusqu’à ce qu’elle rencontre Paulette, poule sans poussin qui mène sa vie paisiblement loin de sa communauté d’origine, à s’occuper de ses plantes. Ensemble, la jeune renarde en quête d’amour et la vieille poule qui en a à revendre vont forger une relation forte, qui fera éclore peu à peu la fleur cachée dans le coeur de la première.
Par ses aquarelles à la fois d’une belle délicatesse et d’une grande précision, magnifiée par un grand format à l’italienne, cet album jeunesse atypique évoque à première vue les livres de Camille Jourdy (Les Vermeilles). Puis, au fil des tout premiers chapitres, on pense assister à la mise en scène d’un classique drame du divorce, avec au premier plan une enfant paumée, instable et désespérée, pas aidée par un famille d’accueil égoïste et sans coeur, qui finira par retrouver des couleurs avec un tiers extérieur. C’est un peu ça, mais Seizième printemps devient bien autre chose. Car, comme son titre l’indique, l’histoire s’étend jusqu’au 16e anniversaire de l’héroïne, et on la voit alors s’épanouir, acceptant peu à peu le fait d’avoir été abandonnée par des parents, qui l’ont sacrifiée comme l’incarnation de leur amour brisé. L’autrice, Coréenne installée en France (découverte ici avec le formidable Je ne suis pas d’ici), prend le temps de décrire cette évolution par petites touches d’une grande subtilité, et par la relation originale et très belle qui s’instaure entre Yeowoo et Paulette, qui apprennent à dépasser leurs différences (d’origine, d’âge, de vision du monde) pour mieux s’enrichir mutuellement.
Dès lors, le côté pastel et le décor floral apportent un contraste bienvenu et pertinent à cette histoire touchante, plus profonde qu’elle en a l’air. Et qui, surtout, doit sortir du rayon jeunesse pour être lue par tous, à partir de 11 ans. En effet, si le livre adopte le point de vue d’un enfant devenant jeune femme, il porte surtout le message – rare donc précieux – que chacun trouvera sa voie personnelle à son propre rythme, pourvu qu’on lui laisse suffisamment de liberté pour oser l’imaginer. « Chaque enfant bourgeonne à sa propre saison », conclut l’ouvrage. Et rien que pour ça, il faut donner sa chance à ce somptueux Seizième Printemps.
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