Sélection BD érotiques #17
Thriller voyeur, polar en bas nylon, idylle japonaise, mythologie salace, revue aventureuse et détournement biblique… Dans notre sélection de BD érotiques de rentrée, un peu comme dans celle de printemps, il y en a pour tous les goûts !
La Villa S.
Ce nouvel opus de la collection BD Cul des Requins Marteaux est hautement réjouissant. Car Antoine Cossé – auteur de différentes BD autopubliées, mais aussi de La Baie des mutins chez L’Employé du Moi ou de plusieurs titres chez l’éditeur anglais Breakdown Press – y déploie un vrai talent de mise en scène et une belle originalité graphique. L’histoire : la patronne d’une villa cossue accueille deux familles de mafieux concurrents le temps d’un week-end, et elle soupçonne deux jeunes gens d’enfreindre la règle tacite de ne pas coucher avec le clan ennemi. Elle demande alors à un détective de scruter les chambres et de signaler l’acte interdit. Rêves érotiques, voyeurisme, architecture suintant le sexe… Tout dans les pages de ce petit livre se fait charnel, grâce à un mélange de techniques réussi (noir et blanc fin, lavis gris-brun, feutres, couleurs numériques) et une propension à flirter avec l’abstrait. Les compositions des doubles-pages sont variées et audacieuses, le trait est fluide et délicieusement allusif, le rythme est inventif, tout en revisitant les thèmes classiques du polar et du voyeurisme (qui observe qui? qui est le vrai coupable?). Sans doute un des meilleurs titres de la collection BD Cul.
Par Antoine Cossé. Les Requins Marteaux, 128 p., 12 €, septembre 2017.
Magenta – Noir fatal
Magenta et sa comparse Lucretia sont aussi fortes pour : retrouver des malfaiteurs, faire chanter des politiciens ou poser pour des photos coquines. Elles ont clairement plusieurs corde(lette)s à leur arc et en profitent un max. Là, les voici sur la trace d’un maniaque qui kidnappe les modèles de la revue Bizarre Bazaar, surtout les blondes qui se font photographier ligotées. Et il pourrait y avoir un peu de fric à se faire, donc il n’y a pas à hésiter ! Dans la lignée de Bienvenue en enfer, ce Noir fatal est tout de même plus léger et moins léché, tant au niveau graphique que dans l’écriture des dialogues. Mais l’ambiance est là, et cette courte histoire est un petit bonheur pour amateur de lingerie et de bondage soft – les scènes de sexe sont en effet très rares. Et surtout, le personnage de Magenta, brune torride qui fait tout le temps la gueule, est tout simplement l’un des plus chouettes de la bande dessinée érotique.
Par Nik Guerra. Graph Zeppelin, 80 p., 19 €, septembre 2017.
L’Épinard de Yukiko
C’est autant un classique moderne de la BD érotique, qu’une référence dans la bande dessinée autobiographique des années 1990-2000. Paru chez Ego comme X en 2001, après une prépublication dans des magazines nippons, L’Épinard de Yukiko ressort aux Impressions nouvelles dans une édition augmentée et bilingue français/japonais. Dans ce livre toujours aussi percutant même 16 ans après sa sortie, Frédéric Boilet raconte une courte et intense idylle avec une jeune Japonaise quand il était installé à Yokohama. S’appuyant sur un carnet intime et l’utilisation de la vidéo ou de photos, il met en scène son récit en vision subjective, n’apparaissant quasiment que dans les séquences face à un miroir. Il peut alors reproduire sa fascination pour Yukiko, son sourire, ses cicatrices, son corps qui s’abandonne, tout en plaçant le lecteur en position d’acteur-voyeur. Et il offre ainsi de très belles scènes, tendres ou excitantes, de l’amour simple loin des clichés de la fiction et surtout de ceux de la BD érotique. Un must.
Par Frédéric Boilet. Les Impressions nouvelles, 160 p., 19 €, septembre 2017.
Légendes perverses
Dans ce recueil regroupant diverses histoires courtes parues au fil des ans dans différentes revues, l’Espagnol Raulo Caceres s’immerge dans les mythes antiques ou dans des récits fantastiques classiques pour mieux les détourner à la sauce hard. Sisyphe qui se fait harceler sexuellement par des erynies furieuses, Méduse qui fantasme sur un sculpteur aux doigts d’or, une sirène tout droit sortie de L’Odyssée qui copule avec sa victime avant de lui donner la mort, une belle qui se fait l’amour à elle-même comme une version nympho de Narcisse… Mais aussi, des savant fous nazis, un exorcisme sexuel, un yéti… Ça part un peu dans tous les sens, ce n’est jamais très profond ni très élégant, mais une forme d’humour noir et une absence d’inhibition sur les thèmes abordés rendent le travail de Caceres intéressant. Tout comme ses découpages alambiqués et clinquants, qui impressionnent. Une découverte.
Par Raulo Caceres. Tabou éditions, 104 p., 19 €, septembre 2017.
Aventures magazine #1
Une nouvelle revue vient de naître, à Villeurbanne, à côté de Lyon. Son nom : Aventures magazine. Tous les deux mois, Aventures veut offrir une plongée dans l’univers de l’érotisme, sous un prisme délibérément arty et branché, sans pub, avec oeuvres artistiques (peintures, photos, collages…), chroniques décalées, textes érotico-humoristiques… « Un magazine riche et varié, affriolant certes, olé-olé bien entendu. Heureuse alliance entre humour et esthétisme dans le but avoué de sortir des sentiers battus », écrivent en édito les fondateurs Joan Riviera et Vic Lenoir. Côté BD, on trouve une histoire courte signée Morgan Navarro (auteur, dans le genre, du mémorable Teddy Beat), un extrait de Jodelle de Guy Peellaert accompagné d’une mise en contexte de cette oeuvre des années 1960 considérée comme subversive, et des dessins d’Ugo Bienvenu, l’auteur de Paiement accepté, illustrant une nouvelle de Claude Chambard, extraite du recueil Ad Libido paru en 2013. Une découverte singulière et plutôt bienvenue.
Collectif. 84 p., 10 €, en librairie le 24 octobre.
Jardin d’Eden
Gilbert Hernandez est plus connu pour sa participation à la série Love and Rockets, aux côtés de ses frères Jaime et Mario, que pour son goût pour l’érotisme. Même si le génial soap Love and Rockets n’en est pas dépourvu… Ici, c’est une fantaisie mineure mais amusante qu’il propose, en réinterprétant quelques épisodes fameux de la Bible. À commencer par le jardin d’Éden, où un Adam onaniste fait surgir de sa côte souillée de sperme une Ève prête à s’offrir. En enchaînant avec le meurtrier Caïn et surtout Noé et sa famille, qui savent comment passer joyeusement les 40 jours et 40 nuits de déluge coincés dans leur Arche… Ce n’est pas très fin, assez répétitif, mais c’est finalement plutôt cocasse. Et dans un contexte américain où les théories créationnistes ont pignon sur rue, il est toujours bon de rappeler que c’est en faisant des câlins que naissent les enfants, depuis le début des temps.
Par Gilbert Hernandez. Delcourt/Erotix, 96 p., 12,50 €, mai 2017.
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