Sélection Comics – Black Science
La Sélection Comics vous propose un focus sur un titre anglo-saxon qui vous sortira de la routine super-héroïque. Zoom sur une saga trépidante, entre SF familiale et action permanente : Black Science, par Rick Remender et Matteo Scalera.
Délayer, faire durer une scène, bavasser… Soumis à un rythme de production inhumain par une tradition éditoriale qui les oblige à livrer chaque mois une vingtaine de pages pour les besoins du marché américain, les auteurs de comics ont tous leurs petites combines vieilles comme le monde pour s’assurer de respecter les deadlines. On les comprend. Chez Rick Remender et Matteo Scalera, ces combines, manifestement, on ne les connaît pas. En tout cas sur leur dernier projet commun, Black Science. Voilà une série toute entière travaillée par l’idée de mouvement, de fuite, de dynamique et étrangère au concept de temps mort… « Cours !» hurle son héros, Grant McKay, dès la première case. Et cette injonction, il se l’appliquera à lui-même tout au long de ce récit en forme de sprint effréné, mené de page en page et de monde en monde, pied au plancher.
Pour Grant, scientifique de génie, tout avait pourtant commencé sereinement avec l’invention du Pilier, un portail interdimensionnel qui ouvre le chemin vers des versions alternatives de notre univers. Un engin révolutionnaire et la clé, peut-être, pour de nouveaux savoirs techniques et médicaux acquis au contact de civilisations plus avancées que les nôtres. Problème : un bug du Pilier fait perdre le contrôle à son équipe, catapultée d’une dimension à l’autre sans moyen de rentrer à bon port. Un peu comme Scott Bakula dans Code Quantum. Grant devra de surcroît composer avec la présence de ses mômes, embarqués dans cette histoire par un malheureux concours de circonstances.
Circonstances qui ne nous seront dévoilées que progressivement, à doses homéopathiques, sous forme de flashbacks jamais pesants. Car on l’a dit, Rick Remender, déjà créateur de la musclée Fear Agent, préfère projeter personnages et lecteurs tout de suite dans l’action et les maintenir sous pression, sous la menace permanente d’un nouveau « saut » opéré par le pilier, direction l’infini et au-delà. C’est à un train d’enfer que l’on traverse donc des tableaux toujours plus hallucinés, qui nous feront croiser des hommes-poissons en guerre contre des hommes-grenouilles ou une peuplade de singes réduits en esclavage par une entité spectrale. Remender et Scalera ressemblent à deux gamins vidant leur coffre à jouets : « et là on dirait que des Apaches du futur surarmés mettraient une dérouillée à des soldats Allemands de la Grande Guerre réfugiés dans les tranchées… »
Le dépaysement est total, la balade jamais épuisante. L’Italien Scalera, au dessin, réussit le tour de force de rester toujours lisible, malgré le bruit et la fureur, les batailles, les déflagrations, la fuite en avant. En quelques détails glissés au second ou au troisième plan, il excelle à donner à chaque environnement, chaque civilisation rencontrée, une identité et une réalité. Remender trouve, lui, miraculeusement le temps de faire exister les personnages qui ne se limitent pas à des archétypes, mais qui, au détour de répliques bien senties, possèdent tous leur personnalité et composent un attachant clan de Robinson Crusoë égarés entre deux dimensions. Son récit à tiroir est en outre un modèle de construction à mesure que les paradoxes spatio-temporels s’empilent et que les mondes s’interpénètrent. Si, nous aussi, devions vous inviter à courir, ce serait chez votre libraire, découvrir cette très prometteuse saga.
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Black Science #1.
Par Matteo Scalera et Rick Remender.
Urban Comics, 10 € le tome 1. Tome 2 le 7 mai 2015, 15 €.
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