Sélection Comics – Low
La Sélection Comics vous propose un focus sur un titre anglo-saxon qui vous sortira de la routine super-héroïque. Zoom sur Low, nouvelle série épatante d’un des scénaristes les plus en forme du moment, Rick Remender. Où de la SF à la fois sombre et flamboyante, dessinée par Greg Tocchini.
Rick Remender est décidément l’homme à suivre en ce moment. Après huit années passées chez Marvel sur Uncanny X-Men ou Captain America, entre autres, l’homme a voulu faire un break en juin dernier. Mais pas pour se la couler douce.
Le scénariste mûrissait en effet de longue date tout un tas de projets persos qu’il réservait à Image, chez qui il mène actuellement de front pas moins de quatre séries : Deadly Class, Black Science, Tokyo Ghost et Low, toutes publiées en France chez Urban.
Low, comme son titre le laisse littéralement entendre, se déroule en profondeur : dans un futur que nous ne nous souhaiterons pas, où les désastres écologiques se sont enchaînés, l‘humanité pour sauver sa peau, s’est réfugiée au fond des océans.
Mais le titre s’entend aussi comme un état émotionnel : le moral a de quoi être bas, très bas à l’issue du premier chapitre de l’aventure.
Stel Caine, une aristocrate en quête de nouveaux mondes habitables, parce que les ressources en oxygène s’amenuisent dans leur cité artificielle, voit son mari tué et ses deux filles enlevées par des pirates lors d’une sortie en mer. Des années plus tard, son troisième enfant, Marik, rescapé et désormais adulte, n’est plus qu’une loque, un junkie suicidaire jamais remis de ce traumatisme enfantin. Ambiance.
Malgré cette introduction dévastatrice, et c’est ce qui intéressait en premier lieu Remender comme il l’explique dans l’avant-propos, Stel demeure une indécrottable optimiste. Quasi sainte dans son abnégation à croire en une vie meilleure, où elle retrouverait ses filles et recomposerait avec ses trois enfants un semblant de famille, elle force le respect.
La reconquête de son destin passera physiquement par une ascension vers la surface, belle idée, extraordinairement transmise au dessin par un Greg Tocchini au sommet de son art. Il avait déjà cocréé avec Remender Last Days of American Crime et là, en confiance, se lâche pour composer et mettre en couleurs sa vision des abysses. Là où l’on attendrait une palette de couleurs plutôt bleutée – ce qu’avait fait brillamment Sean Murphy dans The Wake, autre grand récit en profondeur –, Tocchini privilégie lui les couleurs chaudes collant à ses élans quasi-fauvistes par moments.
L’artiste, tout à son exaltation, refuse de s’enfermer dans un encrage trop strict, quitte parfois à rendre l’action sur certaines cases ou pages pas évidente à déchiffrer. Menus désagréments de lecture qui n’entravent en rien la sidération face à la splendeur de cette aventure, séduisante variation subaquatique sur le space opera avec ses grands fonds peuplés de créatures géantes, de sous-marins et de mutants.
Les clins d’œil à Star Wars ne manquent pas, avec son méchant à la Jabba The Hutt imposant à ses esclaves des tenues déshabillées façon Princesse Leia. Mais Low s’inscrit moins, par sa violence et la noirceur de son univers, dans une tradition de science-fiction familiale que dans une SF adulte mettant la famille au centre de ses préoccupations. Une tendance de fond ces derniers temps.
L’explication est bêtement générationnelle : Brian K. Vaughn (Saga), Jeff Lemire (Descender), Remender déjà dans Black Science ou au cinéma, Jeff Nichols avec Midnight Special, sont tous de jeunes quadras biberonnés aux films de George Lucas et aujourd’hui travaillés par l’expérience de la paternité. Chez eux, le plaisir de gosse à bâtir de toutes pièces des mondes fantastiques, techno et contrastés, ne se fait jamais au détriment des émotions et d’une certaine responsabilité vis-à-vis de leurs personnages. Dans le genre, Image enchaîne en ce moment les futurs classiques avec une régularité de métronome et Rick Remender fait largement sa part de boulot. Pourvu que ça dure.
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Low #1-2
Par Rick Remender et Greg Tocchini.
Urban Comics, 14 €, 2016.
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