Sengo #1-2-3
Démobilisés après la défaite du Japon à l’issue de la Seconde Guerre mondiale, l’officier Kawashima et le soldat Kadomatsu tentent de survivre dans un Tokyo ravagé, dans un quartier qui tient plus du bidonville que de la capitale. Kawashima boit en permanence, tentant de noyer les traumatismes de la guerre, où il fut contraint d’assassiner des prisonniers. Kadomatsu, lui, fricote avec la pègre et les prostituées, et ne dit jamais non à une bonne bagarre. Ensemble, ils sont inséparables et fidèles en amitié. Surtout, ils sont chacun la bouée de survie de l’autre, pour éviter de s’enfoncer dans la pauvreté ou la dépression.
Dans cette série, Sansuke Yamada (lire son interview ici) réussit le tour de force d’être à la fois réaliste dans le portrait de soldats de retour du front – vivants, quelle infamie, dans une société valorisant le sacrifice –, hilarant dans la description des mésaventures de ses deux pieds nickelés défendant la veuve et l’orphelin coûte que coûte (entre deux petits trafics), et touchant dans la composition de son petit théâtre de la misère. Misère sociale, intime, sexuelle, psychique, qui ronge un peuple défait, des ex-soldats sans perspective, des veuves en détresse et des gamins des rues. Avec un trait faussement fragile, qui oscille entre un beau réalisme et une tendance plus humoristique proche du graphisme occidental, Sengo n’élude aucun sujet sensible – les viols et exactions des Américains, les atrocités des Japonais en Chine, le racisme anti-coréen… – mais ne tombe jamais dans le misérabilisme ni le larmoyant. En lisant ce manga, on passe par toutes les émotions, le fou-rire, les larmes, les frissons, l’excitation, la peur. Et on apprend des choses, tout en ayant l’impression d’intégrer une nouvelle famille. La marque des grandes bandes dessinées.
© YAMADA Sansuke 2015 – Kadokawa Corporation
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