Serena
Est-ce sa stature, droite et fière ? Sa chevelure rousse, incandescente ? Ou son regard perçant et inquiétant ? Qu’est-ce qui fait que Serena parvient à imposer, presque par sa seule présence, sa loi dans ce monde d’hommes qu’est l’Amérique des années 1930 ? Dès qu’elle descend du train dans ce morne village des Smoky Mountains, tout le monde comprend que c’est la nouvelle Mrs Pemberton qui va présider aux destinées de la contrée. Avec son mari, elle entreprend de déboiser la région, avec de grandes ambitions qui n’ont d’égal que son machiavélisme. Jusqu’où est-elle prête à aller pour accomplir ses rêves de grandeur ? Jusqu’au bout, bien sûr. Jusqu’en enfer.
En adaptant le roman de Ron Rash, Anne-Caroline Pandolfo et Terkel Risbjerg proposent une sorte de tragédie antique dans l’Amérique exsangue post-Grande Dépression, un thriller majestueux aux accents shakespeariens, qui sent la sueur, le sang et le bois brûlé. Qui prend le temps, au fil de plus de 200 pages, de tenter de percer à jour la magnétique Serena, de comprendre quelle folie et quelle force maléfique l’animent. À la fois fable horrifique sur une sorcière moderne et portrait fasciné d’une femme qui a décidé de prendre son destin en mains – jusqu’à la psychose meurtrière –, Serena est un livre brutal et hypnotique, qui joue parfaitement sur les ambiances, les ombres et les silences pour créer l’angoisse, le mystère et l’envie d’aller plus loin. En cela, après notamment Mine, une vie de chat, La Lionne ou Perceval, il est certainement le livre le plus abouti de son couple d’auteurs, tant dans le découpage et les dialogues ciselés, que dans les dessins à l’encre épaisse, synthétiques dans les gros plans, expressionnistes dans les plans d’ensemble. Un très bel exercice de style, assumé et maîtrisé.
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