Seules à Berlin
A Berlin, en avril 1945, règne une ambiance de fin de monde. Les bombardements s’enchaînent, et l’armée soviétique cherche dans la ville dévastée les restes d’Hitler, qu’il faut authentifier.
Se retrouvent chez la même logeuse deux femmes : l’Allemande Ingrid, qui a subi les pires avanies pendant la guerre, a survécu aux viols, à la faim, aux morts autour d’elle, a travaillé pour la Croix-Rouge ; et la russe Evgeniya, missionnée par son armée, pleine de bonnes intentions, qui doit habilement slalomer entre des supérieurs abusifs et se frotter à une complexité géopolitique nouvelle…
Seules à Berlin est un bijou pas toujours facile d’accès, dont la subtilité se mérite au fil de pages un brin arides, mais habilement agencées. Nicolas Juncker (La Vierge et la putain) mêle ici deux destins inattendus, imbriquant la petite histoire dans la plus grande. Le moment qu’il choisit est crucial, passionnant.
Il le fait vivre graphiquement à travers un usage réfléchi de la couleur grise : »Berlin est un champ de gris (…), écrit-il en avant-propos. Gris taupe, gris anthracite, gris fer, vert-de-gris, gris du Völkischer Beobachter [l’organe de presse officiel du parti national-socialiste, ndlr]. Mais un nouveau gris s’est abattu sur la ville, le gris de la poussière et des cendres, le fruit des avions américains et anglais, des canons russes. » Son récit se montre ainsi terriblement efficace, émouvant et instructif.
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