Severed
1916, la campagne américaine profonde. Jack l’orphelin décide de fausser compagnie à sa mère adoptive pour tenter de retrouver son père, violoniste à succès à Chicago. Lui-même joue du violon, ce qui lui permettra d’empocher quelques sous lors de son errance. Mais de trains de marchandises en hôtels miteux, de halls de gare en impasses glauques, le danger est partout. Et quand il prend la forme d’un gentil monsieur qui se révèle être un tortionnaire cannibale, le voyage devient le pire des cauchemars.
Voilà certainement une des bandes dessinées d’horreur les plus réussies de ces dernières années. Au scénario, Scott Snyder (American Vampire, Batman – La Cour des hiboux, Swamp Thing) et Scott Tuft (plutôt scénariste télé) revisitent le mythe de l’ogre, ainsi que l’imagerie américaine de « la route ». On est ainsi plongé dans une vision du Nouveau Monde pré-crise de 1929, très typique, avec ses villes industrielles en pleine expansion, sa campagne interminable, ses déshérités en pagaille et sa philosophie du « tout est possible ». Dans ce décor familier, les deux auteurs mettent en scène deux personnages forts, un garçon plein d’espoir et d’enthousiasme, mais pas angélique; et un homme mûr à l’apparence paternelle, qui est en réalité une véritable incarnation du Mal. Le suspense ne réside pas dans l’identité du méchant – on la connaît dès le début et on sait de quoi il est capable. Non, l’effroi est dans la confrontation entre les deux protagonistes, le piège ne se refermant que petit à petit sur un jeune Jack qui ne se doute de rien… Moments de tension intense alternent avec belles séquences pleines d’humanité – voire de tendresse avec la figure de Sam, gamine des rues déguisée en garçon –, jusqu’à l’explosion gore finale d’une rare puissance. Véritables alchimistes du suspense et de l’émotion forte, Snyder et Tuft font de chaque page un instant de terreur, insufflent un rythme parfait entre l’attente et le sursaut. Et leur travail est magnifié par le dessin léché et expressionniste d’Attila Futaki (Spiral, Percy Jackson..), qui joue des grandes cases comme un maître illustrateur, et des découpages acérés avec la précision d’un chirurgien. Les amateurs de récits horrifiques trouveront donc dans Severed de quoi les rassasier pendant un bon moment, et avec l’épilogue (jouissif) des raisons de ne pas fermer l’oeil de la nuit.
Publiez un commentaire