Shadow Life
Kumiko Saito est une senior encore assez en forme, mais l’âge gagne peu à peu. Une force physique qui s’amenuise, des petites pertes de mémoire, quelques gouttes d’incontinence… Rien de trop grave, car elle n’a pas du tout l’intention de mourir ! Elle fuit alors de sa maison de retraite, se trouve un petit appart, ne donne pas trop de nouvelles à ses filles et tente de vivre tranquillement ses dernières années. Mais une ombre, multiforme, inquiétante, s’insinue dans son sillage, jusqu’à chez elle. C’est la mort qui rôde et qui s’apprête à accomplir sa sinistre besogne. Kumiko remonte alors ses manches et va tout faire pour retarder l’échéance !
L’autrice nippo-canadienne Hiromi Goto met en scène une grand-mère comme on n’en a rarement vu en bande dessinée : à la fois fragile et têtue, mais aussi espiègle, débrouillarde et inventive. Une vraie force de la nature tentant coûte que coûte de s’accrocher à la vie, jusqu’à enfermer la Grande Faucheuse dans son aspirateur ! Au dessin, l’Américaine Ann Xu s’en donne à coeur joie, d‘un trait délicat, pour brosser ces petits moments du quotidien, entre longueurs dans la piscine, trajets en bus, bagarre contre les ombres morbides, lecture d’ouvrage sur l’au-delà à la bibliothèque, mails fatigués envoyés à des filles inquiètes… Toute une série d’instants fugaces et banals, mais qui pour une vieille dame poursuivie par la Mort prennent un sens décuplé. Cette tragi-comédie du 3e âge avance ainsi en ménageant ses surprises, notamment dans les rencontres faites par Kumiko, jusqu’à un final fantastico-ésotérico-rigolo pas tout à fait convaincant mais qui donne le sourire.
Ce qu’on retiendra surtout de cette BD à la croisée du manga et du roman graphique américain, c’est son ton original et juste sur le vieillissement, et sur ces retraités qu’on veut surprotéger, qu’on traite en handicapés chroniques ou en fardeau encombrant. Qu’on n’écoute pas assez, dans leurs besoins et leurs angoisses, qu’on relègue à l’état d’ombre de ce qu’ils ont été et qui finiront bien par s’estomper. Et pourtant, que serait-on sans nos anciens ?
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