Silvia Regina



Avec Silvia Regina, l’auteur finlandais Matti Hagelberg boucle sa trilogie entamée avec Holmenkollen (2002) suivi de Kekkonen (2007). Il y montrait l’ancien Président de la Finlande entouré d’une myriade de personnages mythiques ou célèbres – le King Elvis, Jésus, Pinocchio – pour mieux l’égratigner lui et les valeurs de la société finalndaise. Car c’est bien le cœur de l’œuvre d’Hagelberg : associer l’image d’un monde réel avec son système de valeurs et une imagerie surréaliste inspirée de références populaires qui lui renvoie ses propres tares, insuffisances et limites.
C’est encore le cas, ici, dans Silvia Regina (du nom d’un ancien fleuron de l’industrie nautique scandinave), à la fois chronique ordinaire, critique sociale d’une Finlande libéralisée qui rejoue la lutte des classes, et formidable laboratoire d’expériences graphiques. On y découvre le sombre portrait d’un pays en proie à une crise d’identité, des individus écrasés par la modernité où la souffrance larvée se conjugue au désespoir le plus noir : travailleurs aliénés, institutions en fin de vie, ennui mortifère, existences mécaniques dessinent les contours d’un cimetière des illusions, parabole d’un pays en plein naufrage.
Pour représenter tout cela et comme à son habitude, Hagelberg utilise la carte à gratter, puissant et parfait outil qui image la noirceur du conte tout en semant une foule de signes à interpréter. Outre la virtuosité graphique, c’est bien le ton qui interpelle : tantôt neutre, tantôt poétique, il se fait parfois plus cynique et surtout navigue le plus souvent dans une ironie fatale de circonstance. Simple dans son message mais sophistiquée dans sa forme, toujours lisible, Silvia Regina confirme la force de cette esthétique du chaos tout en motifs et dégradés où rage sourde et colère froide fascinent et glacent à la fois. Et malgré une atmosphère pesante, l’humour, parfois, nous saisit au détour d’une case. Belle réussite !
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