Simplement Samuel
Samuel, petit ectoplasme cyclopéen, traverse les niveaux de réalité l’œil naïf, avide de merveilleux et d’expériences : il court le 110 mètres haies, assiste à un accouchement, savoure une glace au bord d’un lac, joue au mort et aux héros, se travestit pour mieux explorer la réalité. Blessé ou contemplatif, blasé ou défoncé, le petit Samuel dévore la vie comme le junkie se shoote. Dans l’urgence. Libre, calme et insouciant, notre avatar blanc part en quête d’un sens, d’une origine et d’une identité qui le fuient. Reste la beauté d’un crépuscule, une danse au coin du feu malgré la violence d’un monde à la fois laid et splendide…
Cheminer aux côtés de Tommi Musturi, l’auteur finlandais, et de son petit Samuel, c’est prendre le risque d’être enfin libre. Les Livres de M. Espoir ou Sur les pas de Samuel nous avait enchantés. Dans ce nouveau récit entièrement muet et tout en couleurs joyeuses, Samuel se joue des apparences, tout à la fois héros et victime d’une existence privée de sens : zombie clownesque, enfant-fantôme ou héros désespéré, il évolue dans des mondes parallèles, du purgatoire pop à l’enfer psychédélique en passant par les cavernes luxuriantes. Toujours stoïque et insensible aux pires malheurs. D’ailleurs, c’est bien simple, il renaît toujours pour mieux dompter les illusions trop faciles.
Samuel est ainsi le cobaye de Musturi et du lecteur pour un résultat jouissif. Samuel a tout vécu sans avoir tout vu et son monde, versatile ou anachronique, dessine en trompe-l’œil la métaphore d’un paradis perdu, décor d’une quête généreuse jamais dupe d’elle-même. Oui, la vie est d’une moqueuse cruauté mais le sursaut est toujours possible. Musturi refuse ainsi de se résigner à cette violence par son visuel pop aérien et psychédélique, d’une beauté à couper le souffle, entre « pureté de la ligne claire et baroque disneyen », comme l’hommage éclairé à un dessin qu’il faudrait déconstruire. Grâce à cette esthétique du rêve (ou du cauchemar, au choix), Musturi nous embarque dans un univers fascinant, qui s’adresse autant aux sens qu’à la raison. On rit, on s’interroge, on ressent et on admire in fine, béats, cette magistrale variation sur la liberté, la quête de sens et la vanité de l’existence. Simplement Samuel…
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