Une petite ville côtière, à deux heures de Tokyo. Suite à un accident de moto, Shiori s’éveille dans une chambre d’hôpital, entourée de trois inconnus. Son frère, sa sœur et son petit ami. Elle a perdu la mémoire… L’adolescente n’en croit pas ses oreilles, quand on lui raconte celle qu’elle était avant : une vipère de la pire espèce ! Du genre vulgaire, égoïste et détestée. Les jours passent, tandis qu’elle tente de retrouver un quotidien ordinaire. Mais comment se reconstruire lorsqu’on habite le corps d’une inconnue ?

Nous connaissions Ricaco Iketani pour Lollipop, un shôjo léché et actuel. Six Half s’inscrit dans une même veine tout en gagnant en maturité. Loin du manga pour filles usé et générique, Iketani déconstruit le genre en prenant pour héroïne une ex « pouffe » manipulatrice, figure typique de la méchante de shôjo, et en lui faisant porter un regard sur elle-même. Pourquoi était-elle cette jeune fille corrosive, narcissique, qui détruisait tout ce qu’elle touche ? Désespérément amnésique, Shiori ne le comprendra peut-être jamais. Elle ne connaît pas cette pimbêche au maquillage luisant. Autour d’elle, comme un conflit entre la rédemption et les chaînes du passé, son grand frère (devenu chef de famille à la mort de leur père) est anormalement protecteur et sa petite sœur lui porte une haine viscérale. Quant à son lèche-bottes de petit copain, un voyou d’un an son cadet, il accepte difficilement la nouvelle Shiori et vit dans la nostalgie de ce qui est éteint.

Une trame simple mais des relations complexes. Pour nous, lecteurs, aussi peu renseignés que Shiori, chaque personnage est une pièce de puzzle à laquelle se rattacher. Un morceau d’hier pour construire le présent. Et très vite, nous voilà scotchés dans ces planches au dessin lumineux, où Ricaco Iketani décrit le quotidien avec justesse et fluidité. En attendant la suite (déjà 10 tomes au Japon), voici un joli début de réflexion sur la recherche d’identité, crédible et captivant.

SIX HALF © 2010 by Ricaco Iketani / Shueisha Inc., Tokyo