Skulldigger & Skeleton Boy
Variation habile sur le mythe Batman, avec son vigilante casqué, Skulldigger, justicier redouté par tous les truands de Spiral City, et son sinistre méchant inspiré du Joker, Grimjim, ce nouveau titre des éditions Dark Horse inscrit dans l’univers de Black Hammer (mais qui peut aisément se lire pour lui-même), contient un peu une fausse piste dans son titre. S’il est bien question d’un duo dynamique dans Skulldigger & Skeleton Boy, c’est bien surtout le destin du jeune acolyte qui intéresse les deux auteurs, Jeff Lemire et Tonči Zonjić.
Celui qui fait ici office de Robin n’a pas plus de dix ans. C’est sur un gros plan de ses yeux écarquillés que s’ouvre cette histoire au moment précis où ses parents sont assassinés par un malfrat, un soir dans une ruelle. Skulldigger, colosse taillé sur le modèle du Punisher plus que sur celui de Batman, déboule pour redresser les torts comme il sait le faire : sans sommation et dans une marmelade de cervelle, à coup de crâne en métal fiché au bout d’une chaîne. Dans l’attitude de l’enfant qu’il vient de sauver, Skulldigger croit déceler quelque chose et décide d’en faire son protégé.
Suivront la formation, le choix du costume, du nom de scène et bientôt les premiers actes d’héroïsme de Skeleton Boy. Ou ses premières bouffées d’ultra-violence, selon le point de vue duquel on se place. Car une flic hostile aux agissements hors-la-loi de Skulldigger enquête dans le dos de sa hiérarchie pour retrouver l’orphelin disparu et comprend bien vite de quoi il retourne. Est-ce vraiment la place d’un marmot traumatisé de risquer sa vie en cassant des bouches aux côtés d’un adulte ? Question vieille comme les bandes dessinées de superhéros, historiquement friandes de sidekicks en culotte courte, à laquelle Lemire au scénario apporte des éléments de réponse très pertinents, via des flashbacks sur les propres origines de Skulldigger.
C’est intelligent, c’est fin et ça n’a rien d’une fanfiction Batman. Jeff Lemire n’a pas besoin de ça, il a ses entrées chez DC (voir son génial Joker – Killer Smile paru en 2020) et s’offre simplement ici toute latitude de creuser à sa manière, hors du canon Detective Comics officiel, des pistes de réflexion déjà explorées au sein même des pages du Cape Crusader. En théorie comme en pratique, Skulldigger & Skeleton Boy ne démérite pas : le dessin et la mise en scène tonitruants du Croate Tonči Zonjić (Lobster Jonhson) en font un sommet d’action placé sous patronage Frank Miller/David Mazzucchelli (Batman : Year One est la principale référence du projet). La ligne claire, superbe, et la mise en couleurs ultra-efficace qui rappelle Mignola (on est chez Dark Horse…) du dessinateur croate dotent chaque archétype d’une personnalité propre. Tout, mais alors vraiment tout, sauf un Batman discount.
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