Soon
Année 2151, une mission d’exploration et de colonisation spatiale d’ampleur inégalée se prépare. Décisive peut-être pour l’avenir de l’humanité. Car la Terre a connu au siècle précédent une série de catastrophes climatiques suivies d’épidémies et de guerres qui ont réduit de manière radicale la population mondiale. Les hommes sont désormais réunis dans de grandes cités modernes, économes et respectueuses de l’environnement, laissant de larges espaces inhabités, pour que la Terre se régénère. Commandante de la mission spatiale SOON 2, Simone Jones s’est préparée toute sa vie à cette quête. Mais à quelques jours du départ, elle tente de renouer les liens avec son fils Youri, jeune adulte qui n’arrive pas à comprendre comment sa mère peut quitter la Terre pour ne jamais revenir…
Après avoir exploré la question des mondes virtuels dans Alt-Life, Thomas Cadène se lance, cette fois avec Benjamin Adam, dans un nouveau récit de science-fiction, en imaginant ce que pourraient être la Terre et l’humanité après l’effondrement. Mais dans un esprit plus positif que dépressif : oui, les humains, par leur aveuglement et leur égoïsme, vont manquer de s’autodétruire totalement, mais une nouvelle ère s’ouvrira, basée sur un Contrat global et avec la possibilité de partir coloniser l’univers. Outre l’idée intéressante de brosser la perspective d’un futur presque souriant après un siècle atroce, avec le retour d’un rêve spatial, les auteurs prennent le temps de raconter comment la planète s’est effondrée et s’est relevée, mais avec un recul quasi documentaire, mêlant données économiques et analyse politique, pointant le risque de dérive totalitaire, la tristesse d’une vie trop aseptisée aussi, la perte de liens sociaux spontanés. Et ils le font avec un talent narratif rare, alternance ces séquences denses et passionnantes, avec des moments de poésie SF touchants, quand on suit Youri fuir sa mère pour découvrir le monde libre et la mère foncer vers l’espace le coeur serré de ne pouvoir dire un dernier adieu à son fils.
Fort de ses 240 pages, Soon est long à lire et c’est une bonne chose, car il permet de s’immerger dans ce futur qui pourrait être le nôtre, de réfléchir à l’humain et son évolution, et aux autres mondes possibles. Et de profiter d’un dessin et d’un découpage d’une grande maîtrise, Benjamin Adam (Lartigues et Prévert, Joker) alternant une ligne cartoon douce et charnelle et des pages documentaires aux enchaînements de cases sinueux et au trait fin et précis. Ambitieux et sincère, et visuellement léché, Soon est peut-être l’oeuvre la plus aboutie, aujourd’hui, de Thomas Cadène et Benjamin Adam. Et la bonne nouvelle, c’est que ces deux-là ont encore beaucoup de choses à dire.
Publiez un commentaire