Sortie des artistes
Au théâtre Bastion, on joue la première de « La Dernière île ». Deux acteurs se partagent le rôle final. Oui mais voilà, le préposé du soir, Léo Cerf, subitement malade, doit laisser sa place à Milda, sa doublure. Dans la scène, l’acteur est censé se suicider. Ce soir-là, le pistolet n’est pas chargé à blanc et Milda meurt pour de bon devant un public médusé. Suicide ou meurtre? Une enquête à la logique biscornue se dessine…
Peu connue en France, l’auteure tchèque Lucie Lomova avait déjà fait parler d’elle avec Anna en cavale en 2006 et Les Sauvages en 2011, deux BD publiées chez Actes Sud/L’An 2. La voilà de retour avec une comédie policière drôle et nerveuse façon Agatha Christie, guidée par un art du suspense ultra efficace, nourri de coups de théâtre et d’humour cocasse. Dans le cadre piquant d’un milieu artiste-intello, acteurs, journalistes et enquêteurs s’affairent en coulisses, se donnent la réplique, échafaudent des pistes avant que tous ne débusquent des secrets bien enfouis. De l’inspecteur Oulibsky à sa femme critique de théâtre, en passant par Premysl Vavrys, un obscur journaliste tordant car franc du collier, l’auteure joue avec une galerie de personnages dense et intrigante sans nous perdre. Une gageure. Outre la truculence de certaines scènes et la vivacité des dialogues, l’énigmatique voix-off nourrit une intrigue qui se renouvelle à chaque page.
Côté dessin, propre et plaisante, la ligne claire aère la toile au bon moment en appuyant un regard fuyant ou une posture éloquente. D’une belle maîtrise, Sortie des artistes est une captivante et improbable histoire de vengeance, qui émeut, amuse puis réussit sa sortie avec panache au bout d’un épilogue malin. Les bases sont certes classiques mais le style a de l’éclat. Une belle surprise.
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