Souvenirs en bataille
Le petit Shikabane a été élevé par sa grand-mère, dans la pauvreté. Sans sa mère, qu’il n’a jamais connnu, ni son père qui l’a délaissé. Heureusement, la mamie aux grosses lunettes et au sourire discret a toujours tout fait – malgré ses grandes difficultés financières – pour qu’il devienne un bon garçon, respectueux des autres. Mais alors que son petit-fils est devenu un adulte indépendant, la petite dame a vu son esprit partir en vagabondage, ses émotions s’exacerber et son organisation quotidienne devenir très confuse. Face à la démence sénile de sa grand-mère, sa seule famille en définitive, Shikabane va faire face et la prendre en charge. Mais aider une personne en perte d’autonomie, qui ne vous reconnaît plus, paraît certains jours insurmontable…
Voilà un one-shot autobiographique bouleversant, qui touchera tous ceux – de plus en plus nombreux à mesure que la société vieillit – qui accompagnent leurs parents ou grands-parents dont la mémoire défaille autant, voire plus, que le corps. Car l’auteur s’attarde sur son ressenti de la situation plutôt que sur la maladie de son aïeule, sans fausse pudeur. Il détaille ainsi la relation qu’il entretient avec celle qui l’a littéralement sauvé quand il était tout petit, pour mieux expliquer la culpabilité et la douleur de la voir en détresse. Avec ses obsessions et ses sautes d’humeur, elle le rend dingue, voire violent, et il s’en veut terriblement de se laisser aller à la colère, mais le poids est si lourd, d’autant qu’il doit quasiment tirer un trait sur sa vie personnelle et intime. Puis, il trouve des solutions pour adoucir le quotidien, et le dernier chapitre intitulé « Le jour où j’ai coupé les cheveux de ma grand-mère » ramène une douceur et une tendresse magnifiques, très réconfortantes.
Pour conter ce tourbillon d’émotions, Shikabane Sensei mélange le réalisme et le cartoon, avec une belle fluidité. Se représentant sous forme de crâne stylisé et expressif, il se permet des envolées délirantes pour mieux représenter ses réactions. Et si le procédé désarçonne au début, il se révèle très efficace pour toucher sans tomber dans le larmoyant. Le résultat est impressionnant et montre, une fois encore, que le manga recèle de possibilités narratives immenses pour raconter l’intime.
© Shikabane Sensei 2018 / KADOKAWA CORPORATION
Publiez un commentaire