Spinning
Tillie est à peine une ado quand sa famille quitte le New Jersey pour le Texas. Nouvelle vie, nouvelle école, nouvelles copines, nouvelle patinoire. Car Tillie est une championne de patinage artistique, discipline exigeante qui lui prend presque tout son temps, ses petits matins et ses soirées surtout. Le problème, c’est que cette passion de petite fille n’en est plus une, elle est devenue presque un calvaire. Comme ses heures au collège, où elle est harcelée et brutalisée par une gamine violente et retorse. Mais Tillie ne dit rien, encaisse, persuadée qu’elle doit tout assumer, seule, pour ne pas décevoir sa mère, son père, son frère jumeau. Car elle porte aussi un secret qui risque de bouleverser son entourage : elle est homosexuelle.
Déracinement, adolescence, harcèlement scolaire, homosexualité… Ça paraît beaucoup pour un récit autobiographique qui s’étire sur 400 pages. Eh bien non. Malgré la lourdeur de ces thèmes et la dureté de certains passages de sa vie, Tillie Walden ne tombe jamais dans le sordide ni le larmoyant, encore moins dans l’auto-apitoiement. Elle délivre un témoignage aussi sobre que sincère, détaille le quotidien triste et glacial des petites patineuses, brosse un portrait désabusé des années collège, touche juste quand elle raconte sa première histoire d’amour avec la magnétique Rae. Avec un trait sensible tout en épure, jouant intelligemment des ombres et des vides, des cadrages et des tailles de cases, des silences et des noirs, elle réussit à rendre palpables ses émotions et donc à les transmettre à son lecteur. Mais le plus impressionnant dans ce gros projet, c’est qu’il s’agit de sa première longue bande dessinée et que Tillie Walden n’a que 21 ans. Alors oui, on pourra trouver que les visages se ressemblent un peu trop et qu’il y a certaines répétitions dans les compositions et les postures. Mais à cet âge-là, quelle maîtrise narrative, quelle personnalité graphique ! On est face à une oeuvre déjà très aboutie pour une auteure en tout début de parcours, à suivre de très près donc. Une très bonne pioche de Gallimard BD pour un des plus beaux bouquins de cette fin d’année.
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