Spirou et Fantasio – intégrale #12 (1980-1983) **
Par Nic, Cauvin et de Kuyssche, Dupuis, 20,50 €, février 2012.
La période Nic et Cauvin est unanimement décriée comme étant la pire de l’histoire de Spirou. De manière générale, on n’en parle d’ailleurs pas, comme une parenthèse à oublier. Cette intégrale apparaît donc comme un objet étrange, un passage obligé que personne n’attendait avant de passer aux intégrales Tome & Janry. Bizarrement, voir ainsi ce vilain petit canard tenter d’exister rend d’emblée le volume sympathique.
C’est d’ailleurs l’optique qui semble choisie dans le très bon appareil rédactionnel. Ici pas d’éloge d’un quelconque ouvrage fondamental, ou d’un travail de génie, mais une tentative d’explication. On découvre ainsi que personne n’avait souhaité reprendre le flambeau après le limogeage indélicat de Fournier. C’est ainsi que les éditions Dupuis vont chercher Nic Broca, animateur reconnu mais novice en BD, qui accepte sans imaginer l’ire qu’il va déclencher. De fait, si l’on a envie de pardonner au dessinateur qui ne méritait sans doute pas d’être autant conspué – voire insulté par la profession même, chose à laquelle il n’était pas préparé – la lecture de ses Spirou ne donne pas pour autant envie de le réhabiliter. Le dessin est rigide, les expressions mornes, et on sent que, malgré toute sa bonne volonté, il ne possède pas les codes du médium. Non pas qu’il soit totalement dénué de talent, mais faire ses premières armes sur une série légendaire était simplement suicidaire.
Pour ne pas l’aider, les scénarios de De Kuyssche (alors rédacteur en chef de Spirou) sont franchement insipides. Cauvin fait ensuite un peu mieux, mais il est engoncé dans une charte stupide. Il leur était, en effet, interdit de reprendre quoique ce soit de l’ancien univers: seuls devaient se retrouver Spirou, Spip et Fantasio… Adieu Zorglub, Champignac, turbotraction… Dans ces conditions, il ne peut réellement décoller. Assez vite il va s’enfoncer dans des aventures poussives aux running-gags lourdingues (la voisine commère…) malgré quelques bonnes idées.
Cette reprise aux intrigues enfantines, volontairement expurgée de toute référence franquinienne, est là encore une commande de Dupuis, qui souhaitait simplifier la série sur tous les plans afin de permettre une éventuelle adaptation animée. Parallèlement à elle, deux autres Spirou apparaissent sporadiquement dans le magazine. Celui d’Yves Chaland, qui marquera les mémoires par sa maestria, et celui d’un duo dont les histoires courtes reçoivent le soutien unanime des lecteurs : les jeunes Tome & Janry – alors assistants de Dupa – et qui rêvent d’autre chose que de Cubitus. Les dés sont pipés depuis le début puisque contrairement à Cauvin et Nic, ce duo a toute liberté pour utiliser les anciens marqueurs de la série, et s’en donne à cœur joie. Derrière eux, on peut lire des luttes entre les différents responsables éditoriaux, qui avançaient chacun leurs auteurs comme des pions utiles à leurs stratégies.
Tout ce travail de contextualisation réalisé par les éditions Dupuis ne rend pas les albums meilleurs, mais permet de comprendre un peu mieux ce qui a pu amener à ce que Thierry Groensteen appellera à juste titre un « ratage programmé ».
Maël Rannou
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Excellent article, mais même si la démarche est intéressante, 20,50€ pour de mauvaises BD ça fait beaucoup ! Dommage que l’on ai pas laissé Cauvin utiliser les personnages de Franquin, je suis sur qu’il s’en serait mieux tiré.
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Dans une broquante, à 2-3 € l’album ça vaut le coup pour compléter une collection. Mais là, l’intégrale, c’est pour le gars qui veut tout sur Spirou.
Quand j’étais gamin par contre, j’avais bien aimé ces albums. Ils avaient assouvis mon besoin de bd hebdomadaire emprunté à la bibliothèque. L’exercice est difficile de juger de la littérature destinée aux enfants (à l’origine) avec nos yeux d’adultes. En mettant Mickey et Dingo à la place de Spirou et Fantasio dans ces histoires dans le journal de Mickey, il n’y aurait eut aucune critique. Et pourtant, toutes les histoires de Disney ne sont pas de Carl Barks.
D’ailleurs, petite question, c’est quoi actuellement une bd pour enfant ? Bénévole dans une bibliothèque (comme quoi, j’aime bien ce lieu de vie) j’ai un mal fou à différencier les bd adulte/enfant. Sur cet album là par contre, je n’ai aucun doute. -
Moi j’ai un souvenir assez bon de ces épisodes de Spirou… Probablement parce qu’ils sont les premiers que j’ai eu l’occasion de lire…
Avec Tome & Janry ensuite, puis Franquin (je fais tout dans le désordre, mais j’étais pas bien vieux), j’ai découvert autre chose!
Ce sont pour moi des épisodes anecdotiques mais pas ratés non plus. Une intégrale pour les fans donc, elle remplit bien son but!>>>Sebours : Pour la différence entre bd jeunesse et adulte, en bibliothèque, ce n’est jamais simple… Je suis bibliothécaire (je gère le fonds bd dans une bibliothèque départementale) depuis des années et je n’ai pas encore trouvé la méthode miracle!
Parfois ce que le libraire me conseille en adulte, je le met en jeunesse, ou inversement, parfois (souvent!) des titres plairaient aux deux publics, les bds ados sont toujours problématiques, les mangas n’en parlons pas…
Faute de ne pouvoir subdiviser le fonds à l’infini, je suis parti sur BDAdulte = pour les lecteurs au-delà de 14/16 ans, avec une mention pour les bd clairement érotiques (classement dit du « Manara et + » ^_^ ) ; BDJeunes = albums destinés aux enfants, des touts-petits (pouss’ de bamboo, petits chats carrés, …) aux ados/pré-ados (mangas shonen/shojo, une partie des shonen up), mais aussi les « classiques » (qu’on pourrait dire « tout public »), que ce soient blake et mortimer, blueberry, spirou, tintin…L’important c’est que ça reste toujours la même chose pour que le public s’y retrouve. Il faut aussi que les bibliothécaires puissent guider le public vers ces classiques, que tout le monde peut/veut lire, mais qui ne peuvent être mis à deux endroits en même temps. Qu’un adulte puisse aller emprunter un yoko tsuno sans se poser de questions!
La meilleure solution serait-elle d’avoir des bacs séparés? des espaces spécifiques? A vous de voir en fonction de votre bibliothèques, de vos moyens, de vos collègues…
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Oui, c’est vrai! Ces albums sont sans doute les pires de Spirou, nez en moins, ils ont été conçus par l’éditeur qui y croyait! Donc ils ne doivent pas être reniés. Ils sont là, en intégrale, avec ine préface explicative. Bon pour les complétistes! Allez, circulez, il n’y a rien de beau ou d’intéressant à voir…
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