Succès, mode d’emploi
Ville Ranta ça vous dit quelque chose ? Cet auteur finlandais au style vif et esquissé apparaissait soudainement en France en 2006 avec un ouvrage autobiographique largement salué par la critique (Papa est un peu fatigué, chez Çà et là) et un album scénarisé par Lewis Trondheim (Célébritiz, Dargaud), alors qu’il est complètement inconnu du grand public. Comment une telle opération, adoubée par les alternatifs d’un côté, publié par un des auteurs européens les plus côtés et un des plus gros éditeurs du marché de l’autre, a-t-elle été possible ? Pour Ville, en tout cas, une chose est claire : tout commence !
Et oui, il se voyait déjà en haut de l’affiche, prêt à conquérir Paris, mais malgré ce début en trombe, tout ne semble pas se passer comme prévu. Ses éditeurs et contacts le baladent, on lui parle un charabia (en français, qu’il ne maîtrise pas) auquel il ne peut qu’acquiescer et quand il veut montrer ses pages, on lui présente des chanteuses. Le monde de la bande dessinée française apparaît étonnamment jetsetter, on se croirait dans les descriptions des coulisses du cinéma, et pas pour le meilleur. Les rares éditeurs s’intéressant vraiment à lui peuvent à peinent lui offrir ses cafés. pourtant, tout avait si bien commencé…
Guide empli d’autodérision, fortement autobiographique, même s’il laisse part à une évidente licence narrative, le livre ne risque pas vraiment de donner les outils à un jeune auteur qui rêve de gloire. Si ce n’est celui de perdre ses illusions et de fuir. Pourtant, il ne s’agit pas uniquement d’acerbes anecdotes: le personnage lui-même est un peu lâche, pas très malin, globalement l’ensemble est aussi féroce que drôle, malgré une scène de viol par un éditeur franchement choquante qui laisse perplexe vu la forte crédibilité du reste du propos.
Cet avertissement donné, le nouveau Ville Ranta tient ses promesses, celles d’un auteur qui se renouvelle régulièrement, après l’autobio stricte, la réécriture de la Bible, l’adaptation d’un classique littéraire finnois ou une fable absolument délirante. L’autofiction, certes déjà un peu explorée par l’auteur, permet encore une autre approche, ici particulièrement tournée vers la satire contemporaine. S’il y a peu de chance que le Grand Prix de la ville d’Angoulême ou les Eisner Award sacrent Ranta, cette rastignacerie finlandaise demeure une belle réussite.
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