Swallow me whole **
Par Nate Powell. Casterman, 15 €, le 13 janvier 2010.
Ruth et Perry sont deux frères et soeurs, des enfants américains comme beaucoup d’autres. Ils vivent avec des parents plutôt absents, et au côté de leur grand-mère à la sénilité galopante. Ils se racontent des histoires: Ruth est fascinée par les insectes, Perry obéit à un petit sorcier qui sort de son stylo. Mais quand l’adolescence les rattrape, ils ont du mal à sortir de leur petit délire infantile. Où s’arrête le jeu et où commence la folie ?
Voici un roman graphique étrange, tour à tour fascinant, déstabilisant et froid. Une oeuvre difficile et ambitieuse qui semble avoir un peu échappé à son auteur, Nate Powell, qui a pourtant remporté avec ce livre deux Ignatz Awards et le Eisner Award du meilleur roman graphique l’an dernier. Cet Américain de 32 ans est à la fois dessinateur, musicien et patron d’un label de punk. Et il travaille également auprès d’adultes souffrant de troubles du développement. Swallow me whole (littéralement « Avalez-moi tout entier ») est sans aucun doute influencé par cette dernière expérience. On y suit deux gamins plus ou moins livrés à eux-mêmes et qui peinent à sociabiliser. Si le garçon parviendra à rentrer dans les clous, la fille, elle, s’enfoncera peu à peu dans un monde imaginaire et angoissant, jusqu’à lâcher prise.
Le récit enchaîne abruptement les moments insignifiants de la vie d’un ado avec les séquences hallucinatoires, les banales relations parents-enfants-profs avec les troubles compulsifs de Ruth. Le lecteur est rapidement perdu dans ce flot d’images au graphisme fin et soigné, mais cela fait partie du jeu. Toutefois, la distance créée avec les personnages et le manque de liant entre les passages clés provoquent une problématique absence d’empathie avec la jeune héroïne. Résultat, on est parfois happé par le tourbillon mental mis en scène par Nate Powell, et parfois on reste à côté. Une petite déception.
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