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« Tatsumi », un dessin animé cruel et bouleversant

1 février 2012 |

Alors que son manga Une vie dans les marges vient d’être récompensé à Angoulême, Yoshihiro Tatsumi voit son oeuvre autobiographique adaptée en long-métrage animé par Eric Khoo, sous le titre tout simple de Tatsumi.

tatsumi_dessinRéputé pour avoir initié à la fin des années 1950 le genre gekiga (« images dramatiques »), désignant les mangas destinés à un lectorat adulte – comprendre mature, et non obsédé par la chose -, Yoshihiro Tatsumi s’est longuement raconté dans Une vie dans les marges. Ce manga fleuve de près de 900 pages, paru en deux volumes chez Cornélius l’an dernier, vient de voir son tome 2 recevoir le Fauve d’Angoulême Prix Regard sur le monde. Fortement influencée par les thématiques du cinéma néo-réaliste, l’œuvre du mangaka offre une vision du Japon de l’après-guerre, sa passion pour l’illustration étant d’abord un moyen d’aider sa famille dans le besoin.

Aussi vrai que les films d’animation de Phil Mulloy ne s’adressent pas à un public enfantin (en dépit des clichés tenaces associés au domaine), les mangas de Yoshihiro Tatsumi peuvent heurter les âmes les plus sensibles. Fidèle à l’univers désabusé voire nihiliste de l’auteur, le biopic réalisé par le Singapourien Eric Khoo mêle adroitement la vie à l’œuvre, au point de les imbriquer avec élégance. tatsumi_photoNarrés par l’auteur lui-même avec une émotion palpable, les événements de son existence, aisément identifiables par les scènes colorisées, s’opposent à des séquences de pure fiction, en noir et blanc ou dans des teintes sépia du plus bel effet.

Nommé à quatre reprises au Festival de Cannes 2011 dans la sélection Un certain regard, candidat officiel de Singapour aux Oscars 2012 dans la catégorie meilleur film étranger, ce joli film d’animation étonne par sa liberté de ton et subjugue par son animation en apparence minimaliste. En vérité, un hommage déférent au style de l’artiste, qu’entérine un poignant prologue constitué d’une juxtaposition de cases dessinées.

Émaillé de cinq histoires courtes (L’Enfer, Monkey mon amour, Juste un homme, Occupé et Good bye), tout droit issues de l’œuvre prolifique de Tatsumi, le long-métrage happe littéralement le spectateur. Ici, un photographe immortalise les silhouettes d’une mère et son fils, imprimées sur un mur par l’éclair de l’explosion d’Hiroshima. tatsumi_prostMais la popularité planétaire du cliché le hantera le reste de son existence dès lors qu’il découvrira les véritables circonstances de la mort de ces êtres figés pour l’éternité. Là, un ouvrier misérable décide de démissionner, lorsqu’un bête accident l’invalide gravement. L’attitude du patronat est alors d’un cynisme inqualifiable. Plus loin, une prostituée s’abandonne dans les bras de G.I. américains, subissant la lâcheté d’un père alcoolique, au point de rompre tout lien de la manière la plus sordide qui soit. Autant de mini-récits aussi vibrants par leur humanité que désarmants par leur cruauté, qui contrastent singulièrement avec la trajectoire plutôt favorisée de Tatsumi. Le réalisateur décrit ainsi l’auteur : « Yoshihiro Tatsumi ne se contente pas d’être un conteur accompli, il est également un observateur incroyablement astucieux et honnête de l’amour, de la vie et de la condition humaine. Et ses observations me hantent et me troublent encore aujourd’hui. »

tatsumi_singeIndéniablement, la vie du mangaka fascine autant que son œuvre. Passionné, débrouillard et déterminé, l’homme ne manque certes pas de ressources. Sa rencontre avec son mentor Osamu Tezuka, qualifié de « Dieu du manga » dans l’archipel, devait le marquer durablement. Pudique et jubilatoire, une séquence retranscrit toute l’exaltation du moment, dévoilant l’artiste en herbe sincèrement admiratif. À travers ce film, Eric Khoo (assisté de son fils, âgé d’à peine 13 ans, signataire du thème principal) semble à son tour lui renvoyer la balle, n’excluant pas de mettre en chantier une suite, afin d’adapter d’autres récits de Tatsumi. Chic !

Gersende Bollut

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Tatsumi.
Par Eric Khoo.
Long-métrage d’animation. Durée: 1h36.
En salles le 1er février 2012.

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