Ted Benoît est mort
Le dessinateur français Ted Benoît, notamment créateur de Ray Banana et dessinateur de deux Blake et Mortimer, est mort à l’âge de 69 ans.
Thierry Benoît est né en 1947, à Niort, un après Blake et Mortimer et le journal Tintin. Mais ce n’est pas la bande dessinée qui va attirer le jeune garçon en premier : c’est le cinéma, celui d’Hollywood des années 40-50 qu’il dévore dans les cinémathèques. Et Thierry deviedra Ted. Il étudie d’ailleurs à l’Idhec (fameuse école de cinéma parisienne qui deviendra la Fémis), avant de démarrer à la télévision en tant qu’assistant-réalisateur.
Au début des années 1970, le magazine Actuel arbore Robert Crumb en couverture et Ted Benoît se sent pousser des ailes de dessinateur. Il travaille avec la presse underground, puis Métal Hurlant et L’Écho de savanes. Son premier album s’intitule Hôpital et décroche le prix du scénario à Angoulême en 1979. Publié aux Humanoïdes associés, Hôpital ne possède pas encore le dessin à la ligne claire épurée qui fera la renommée de Ted Benoît. C’est en découvrant l’oeuvre de Joost Swarte que son trait change radicalement.
Le dessinateur néerlandais vient de remettre la ligne claire hergéenne au goût du jour, en y injectant l’once de folie et de rock’n’roll qui lui manquait pour être moderne. Ted Benoît marche dans ses pas, avec l’option cinéma américain. Il invente le personnage de Ray Banana, playboy taiseux et poissard, aux lunettes de soleil irrémédiablement vissées sur les yeux. Qu’il glisse dans un album tâtonnant, mais au titre de manifeste : Vers la ligne claire (Les Humanoïdes associés, 1980).
Le style – fin, précis, distancié et capable d’accueillir un contenu plus adulte que Tintin – s’affirme dans Berceuse électrique, une longue aventure où Ray Banana pourchasse une étrange secte, publiée dans la revue (À Suivre) en 1980, puis en album deux ans plus tard chez Casterman.
Suivront Histoires vraies, Cité Lumière (un nouvelle aventure de Ray Banana), Bingo Bongo, et L’Homme de nulle part, qu’il scénarise pour Pierre Nedjar et qui se concentre sur le personnage de Thelma Ritter, la femme de ménage de Ray Banana (1989).
Illustrations pour la presse, affiches, travaux de commandes, portfolio autour du cinéma (Passage vers l’oubli)… Ted Benoît est très demandé. Une chance, car il bien trop méticuleux pour tenir un rythme soutenu de production de bandes dessinées. La Peau du léopard (1985) regroupe une partie de ces travaux, et les plus inconditionnels de son trait pourront chiner Automobiles, ou C’était dans le journal, des livres d’illustration léchés et originaux.
En 1996, le discret auteur revient alors dans la lumière, et sous une pression médiatique qu’il n’aura jamais connue auparavant. En effet, il reprend la série Blake et Mortimer, sur un scénario de Jean Van Hamme, six ans après le dernier volume paru. Ce sera L’Affaire Francis Blake, un plutôt bon album où Ted Benoît marche dans l’ombre de Jacobs avec élégance, mais sans être totalement à l’aise non plus. Suivra L’Étrange Rendez-vous en 2001, un Blake et Mortimer pas vraiment convaincant qui sera son dernier.
Il publiera ensuite de petites livres chez Alain Beaulet (L’Oeuf du mystère, le collectif À la frite sauvage), et signera avec Playback une adaptation de Raymond Chandler, dessinée par François Ayroles (Denoël Graphic, 2004). Mais le plus marquant de ces dernières années est le retour de Ray Banana dans le recueil La Philosophie dans la piscine, publié à La Boîte à bulles, qui compile des histoires courtes publiées sur le net.
Ted Benoît est mort le 30 septembre 2016, à l’âge de 69 ans. Alors que s’ouvraient dans le même temps Les Rencontres Chaland, à Nérac, dont il fut l’invité d’honneur en 2009.
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