The Autumnlands #1
Bizarre fascination de la fantasy pour les prophéties et les élus. The Autumnlands n’échappe pas à la règle. Dans l’univers imaginé par Kurt Busiek (Marvels, Astro City), une aristocratie de magiciens habitant des villes volantes maintient sous sa coupe une plèbe coincée à terre. Statu quo que menace une raréfaction de la magie. Un groupe de franc tireurs se décide à entreprendre des rituels interdits dans la cité de Keneil pour invoquer le Grand Champion des légendes, censé les sauver tous. L’opération est un colossal fiasco : Keneil s’écrase à terre, laissant les survivants à la merci d’une mutinerie. Rayon (semi-)bonnes nouvelles : le champion, lui, est bien là, même s’il est beaucoup moins serviable qu’espéré.
Enlevé par le sortilège à la vie qu’il menait dans ce qui ressemble à un futur de science-fiction, contrastant avec l’ambiance médiévale fantastique qui prévaut chez ses nouveaux hôtes, le dénommé Learoyd s’acquitte de sa tâche mais ne souhaite pas s’éterniser. Pas spécialement ravi de se retrouver là, ce super-soldat peu porté sur le sentiment et la négociation met un sacré boxon dans ce monde assez policé. Son langage fleuri totalement anachronique fait merveille. Et ses choix tactiques brutaux prennent tout le monde, y compris le lecteur, par surprise. Il est un intéressant grain de sable, moderne et moralement ambigu, introduit dans le genre souvent conservateur et très manichéen de la fantasy. Pas mal pour un « sans fourrure » !
Car Learoyd a la particularité d’être un humain, le premier qu’aient jamais rencontré les habitants, horrifiés, des Dix-sept cités. Ici tous les personnages à part lui sont des animaux, anthropomorphiques. Il y a Gharta, l’enchanteresse phacochère rebelle, Sandorst, le hibou magicien despote, ou Sept-coups, le Spartacus du peuple bison. Il y a surtout Dusty, le chiot orphelin dont ce premier tome est en quelque sorte le roman d’apprentissage. Un narrateur ultra-positif, innocent mais pas stupide, idéal point d’entrée dans cette épopée aux développements prometteurs et l’univers aussi intrigant que visuellement saisissant.
Car l’autre intérêt de The Autumnlands, c’est son accomplissement graphique. La maturité de Benjamin Dewey, jeune artiste au pedigree encore balbutiant, est impressionnante. Dessiner des animaux n’est pas à la portée du premier venu. Dewey ne s’effraie pas de peupler ses cases de nombreux protagonistes à poil et à plumes et donne à chacun une personnalité. Quelque part entre le Bryan Talbot de Grandville et le Mark Buckingham de Fables, bien assisté par l’incontournable Jordie Bellaire (Pretty Deadly, Nowhere Men) à la couleur, il donne à la série une vraie patte. Rond et chatoyant, ce premier tome ressemble à un superbe illustré pour enfants, mais ses scènes de violence et ses thèmes adultes le réservent à un public plus âgé. Qui se régalera, pour peu qu’il ne soit pas allergique à la fantasy. Et allez savoir pourquoi, donc, aux prophéties.
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