Thor ajoute une nouvelle pierre à l’édifice Marvel au cinéma
Iron Man 2 avait donné le ton : chaque nouveau film Marvel doit servir l’ensemble, the big picture. C’est-à-dire construire peu à peu la mythologie de la Maison des idées sur grand écran. Et avec son marteau et ses biscotos, Thor se pose en maçon de luxe.
Peu à peu, Marvel bâtit sa légende au cinéma, comme elle a su le faire dans le monde du papier. Après avoir ouvert ses licences aux quatre vents et à différents studios (Spider-Man, X-Men, Les 4 Fantastiques…), le géant de l’édition se concentre sur le développement d’une ligne unifiée et tous publics, bien dans l’esprit de sa maison-mère, Disney.
Iron Man a dessiné les plans du futur édifice; sa suite a vraiment posé les fondations de l’univers, en intégrant le héros milliardaire en armure dans un monde qui devra compter avec d’autres héros (et vilains). Voici Thor et son marteau divin Mjolnir, chargé d’élever les murs de la maison. En attendant que Captain America pose la charpente cet été, qu’un nouveau Hulk s’occupe de la plomberie et que le très attendu The Avengers (qui regroupera tous ces personnages) s’occupe des finitions. À l’heure où Sony ne peut que « rebooter » Spider-Man et que la Fox multiplie les spin-offs des X-Men, la démarche de Marvel (ici associée avec Paramount) est donc fort cohérente.
Bon, mais ce Thor-là, que vaut-il ? En soi, clairement, il s’agit d’un sympathique film pour enfants. Guère plus. Rappelons l’histoire : à Asgard, le roi Odin se voit contraint de bannir son fils Thor, ce dernier ayant mis en danger le royaume par son arrogance. Le blondinet dieu du tonnerre se retrouve sur Terre (aux États-Unis, bien sûr), traqué par des forces gouvernementales, aidé par de gentils scientifiques de campagne et pourchassé par son frère Loki, qui veut définitivement se débarrasser de lui. Loin de l’ambiance urbaine et technologique de la plupart des comics, on est ici dans de la mythologie traditionnelle revisitée à la sauce spatiale. Comme un film américain de SF des années 50, auquel le robot envoyé sur Terre par Asgard renvoie de manière évidente. Tous publics, on vous dit.
Ainsi, le sous-texte freudien de l’histoire (Thor perd son marteau, et donc sa virilité) est complètement dissout dès que le dieu déchu dévoile son impressionnante musculature en sortant de la douche, puis moulé dans un T-shirt trop petit). Au terme de quelques séquences façon Crocodile Dundee – Thor ne connaît pas les usages terriens et fait des bourdes, hahaha; tiens, Chris Hemsworth est Australien… -, il finit par emballer la jolie chercheuse de province (craquante Natalie Portman, dont on se demande quand même ce qu’elle peut bien faire ici). Et par sauver la ville et son monde des cieux, évidemment.
N’allez pas chercher une quelconque dimension shakespearienne dans ce film. Le réalisateur, Kenneth Branagh, ne retrouve de son dramaturge fétiche que les scènes de cour et les traîtrises princières. Mais ni les sentiments complexes, ni les drames intimes à la portée universelle, ni les tourbillons maléfiques qui emportent d’ordinaire les protagonistes de l’auteur de Halmet. On devra se contenter de la plastique agréable du héros (Thor serait-il enfin un film Marvel pour les filles?), les décors désertiques du Nouveau-Mexique et quelques scènes de bagarres joliment faites.
En résumé : aucune aspérité, une bonne dose de kitsch (l’esthétique d’Asgard évoque ces galactiques peintures à la bombe réalisées par des artistes de rue, si, si, vous voyez très bien de quoi je veux parler), une mise en scène sans fioritures loin du bling-bling d’Iron Man, un humour léger, de beaux sentiments et le sourire de Miss Portman. Thor est donc une aventure lisse et grand public, un élément de quelque chose de plus grand: la mini-scène post-générique de fin (avec Samuel L. Jackson en Nick Fury) donne des pistes pour la suite. Mais si Iron Man, porté par un rythme élevé et la personnalité de Robert Downey Jr., était taillé pour vendre des figurines et des panoplies, pas sûr que Thor pousse les gamins ailleurs que vers le rayon bricolage.
Benjamin Roure
PS: et si vous pouvez éviter la 3D, n’hésitez pas, elle n’apporte rien, mais alors STRICTEMENT RIEN, à part un tout petit peu de profondeur dans le ciel étoilé d’Asgard. Une grosse arnaque, en somme.
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Thor
Un film de Kenneth Branagh, d’après les personnages créés par Stan Lee et Jack Kirby.
Avec Chris Hemsworth, Natalie Portman, Anthony Hopkins, Tom Hiddleston, Stellan Skarsgard, Idris Elba, Kat Dennings…
En salles le 27 avril 2011. 1h54.
Le site du film.
Images © Paramount Picture France
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