Tokyo Kaido #1
Le Dr Tamaki mène des recherches dans un établissement soignant les troubles du cerveau. Ses sujets d’étude : Hashi, 19 ans, incapable de se retenir de dire à haute voix tout ce qu’il pense ; Hana, 21 ans, prise d’orgasmes inopinés ; Mari, 6 ans, inapte à percevoir d’autres êtres humains qu’elle-même et Hideo, 10 ans, ne ressentant pas la douleur et persuadé d’être un super-héros. Malgré leurs différences, des affinités finissent par naitre au fil d’un quotidien insolite.
Sa bande-annonce défile sur fond de Public Image, du groupe P.I.L. Effectivement, Tokyo Kaido parle de l’image que chacun renvoie de soi et de la difficulté à composer entre personnalité publique et facette privée. Que se passe-t-il lorsque le masque social tombe ? Lorsque l’intime s’immisce dans l’espace public, telles les pulsions sexuelles incontrôlées d’Hana ? Ou lorsque notre perception du monde diffère drastiquement de la norme ? Il devient malaisé de vivre en société. Si la différence peut illuminer l’existence, elle peut aussi handicaper sévèrement : souvenons-nous de Nicolas de Staël, ce peintre synesthète pour qui la perception du son évoquait des couleurs et qui, à la suite de stimuli à l’intensité insupportable couplés à un état de fragilisation, a écourté ses jours en se jetant dans le vide – une image qui trouve un écho dans la série de Mochizuki… L’étrangeté doit-elle se cultiver, avec les risques que cela comporte, ou faut-il vivre dans un milieu aseptisé où chacun se comprend mais se ressemble ? N’existe-t-il pas un entre-deux ?
Avec son héros dont les cheveux masquent le visage, ses plans serrés sur des détails anatomiques et sa douce folie, la trilogie à paraître Tokyo Kaido (2008-2010 au Japon) annonce Chiisakobe, tout en prolongeant l’une des thématiques principales de Dragon Head : les altérations cérébrales et leur conséquence sur la capacité à accepter le monde. Comme une sorte de Vol au-dessus d’un nid de coucou à la japonaise, parée d’un graphisme à l’élégante limpidité et suscitant, à tour de rôle, sourires et mélancolie.
Tokyo Kaido © Minetaro Mochizuki / Kodansha
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