Tous les héros s’appellent Phénix
Phénix et sa petite soeur vivent dans une grande maison isolée au bord d’un lac. Un petit coin de paradis, en apparence. Car leur père est parti depuis plusieurs mois et ne donne presque pas de nouvelles. Et la mère – que les petites n’appellent jamais « maman » mais par son prénom – est souvent en déplacement, parfois plusieurs semaines… Tout va être bousculé quand un homme, le nouveau prof principal de Phénix, va s’immiscer dans la vie de famille. D’abord très amicalement, par de menus services. Puis en séduisant la mère, qui s’éloigne un peu plus de la cellule familiale. Enfin, en emménageant avec elles. Imposant alors sa loi : celle de la terreur, de la violence verbale et physique.
Avec un trait d’une belle sobriété, dans une mise en scène efficace et pudique, Jérémie Royer (Sur les ailes du monde, Audubon, Yesterday…) adapte avec talent le roman de Nastasi Rugani. Par petites touches, un geste, un regard, une lèvre pincée ou un éclat de voix inattendu, il construit un personnage terrifiant : un prof doux, beau gosse, positif, disponible, qui, une fois en zone conquise, se révèle être un manipulateur pervers et violent. Les enfants sont coincées, menacées, culpabilisées, condamnées au silence de peur que la situation n’empire. La tragédie est appuyée par l’absence bizarre des parents : la mère, totalement déconnectée de ses filles, on ne saura pas pourquoi ; et le père, lâche géniteur mais sauveur espéré… La chronique familiale se mue sur la fin en thriller à suspense, faisant légèrement pencher la balance du côté de la fiction trépidante que de la dénonciation des violences intra-familiales. Mais c’est pour mieux alerter et crier la douleur des enfants victimes de ces bourreaux qu’ils étaient censés aimer. Une bande dessinée qui prend aux tripes mais demeure accessible dès 11 ans.
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