Tremen
Un voyageur vêtu d’un scaphandrier débarque dans un no man’s land d’apocalypse : air cendré, robots en boule et voyageurs empalés sur des pieux tranchants comme des sabres… Aux prises avec la fin du monde, notre chevalier errant va faire l’expérience d’un monde où la solitude le dispute au silence, la désolation à la menace…
« Anticipation », c’est le nom d’une nouvelle collection chez Dargaud. Tremen est l’un des premiers albums, récit muet de 54 pages réalisé dans une grisaille bien hermétique. D’habitude, ce sont des maisons indépendantes qui tentent de mettre en valeur ces récits invendables. Dargaud s’y colle donc, mettant le paquet sur la partie visuelle. Pourquoi pas. Mais outre sa brièveté, Tremen nous plonge dans d’obscurs tréfonds. On a bien compris la moitié des scènes. Pour le reste, on invoque les multiples relectures possibles, argument bien pratique pour pallier le vide d’un message ou d’un récit. Si l’on peut être touché, c’est bien sûr par la force du dessin et la maîtrise narrative : niveaux de gris, lumière fantomatique, créatures effrayantes ou victimes expiatoires, grandes cases larges et panoramiques, le visuel claque et envoie du lourd. Oui, c’est beau, comme une magnifique démonstration de force. Mais on ne finit par voir que les références – Hopper, Arzach, Moebius, Stalker, Tarkovski, Vuzz, Druillet, Marc Caro, Nosferatu – largement rabâchées par les agaçantes préfaces et postfaces de Druillet et Marc Caro (La Cité des enfants perdus) qui nous annoncent pas moins qu’un chef-d’oeuvre… Évitons la lourdeur narcissique et promotionnelle des commentaires et laissons les lecteurs juger, bon sang !
Deux options possibles au final. Soit vous vous prenez au jeu du récit muet et le dessin devient alors puissant, évocateur, au diapason d’une errance incantatoire. Ou vous ne comprenez rien, lâchez l’album au bout de dix pages, et finissez par admirer une splendide coquille vide. Comme un bel exercice de style qui ne touche guère. On pencherait ici assez pour la seconde option…
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