Triple salve pour « La Grande Guerre de Charlie »
Un album, une expo, un portfolio : (re)découvrez un classique de la BD de guerre, La Grande Guerre de Charlie, ou le quotidien d’un Tommy au cœur des tranchées de 14-18.
Après six tomes (sur dix prévus) qui ont permis de balayer les principaux aspects de 14-18, le 7e volume de l’anthologie La Grande Guerre de Charlie aborde les mutineries et la terrible bataille de Passchendaele d’octobre 1917, vue du côté britannique. Objets de mauvais traitements, de privations, de châtiments dans un contexte où penser est subversif, en sus de toutes les souffrances endurées jusqu’alors, les Tommies, regroupés à Etaples dans le Nord de la France, se rebellent suite à l’exécution d’un soldat écossais par un gradé anglais. L’étincelle met le feu aux poudres et Charlie Bourne, pris entre deux feux, partisan des mutins mais enrôlé par les officiers pour réprimer la révolte, retient son souffle. Le bain de sang a été évité de justesse, les mutins ont obtenu d’aller boire du thé en ville, et le terrain d’entraînement de l’arène a été fermé pour cruauté excessive. Oui mais voilà, les meneurs sont recherchés et la fermeture du camp accélère seulement l’envoi des soldats au front. Qui a gagné ? Les généraux ? Les soldats ? Charlie, lui, pour se racheter d’avoir servi dans un peloton d’exécution, devient brancardier lors de la bataille de Passchendaele, même si la statistique est cruelle : les brancardiers subissent en effet des pertes de 80% contre 33% pour les simples soldats. Tant pis, ce sera le prix du rachat…
Cas de conscience, souvenirs traumatisants, trahisons fratricides, horreur du quotidien des tranchées, ce tome tient une nouvelle fois en haleine : par ses questionnements, sa tension dramatique et l’empathie née pour les petites gens. Planches, dessins et dialogues captent un réalisme documentaire saisissant, dénonçant l’horreur des tranchées et la folie de la guerre, à travers le regard de Charlie, témoin subjectif mais universel d’un sacrifice collectif imposé par le haut. Et pour ne rien gâcher, c’est logiquement Tardi (Putain de guerre !) qui préface ce nouvel album.
Le formidable travail patrimonial réalisé par le fondateur de la société d’édition Delirium, Laurent Lerner, avec la redécouverte de ce classique, trouve ces jours-ci un prolongement dans l’exposition inédite de 17 planches originales de La Grande Guerre de Charlie, qui se tient au Musée de La Grande Guerre du Pays de Meaux, du 16 octobre 2014 au 4 janvier 2015, intitulée « Charley’s War : une représentation anglaise de La Grande Guerre ». « Installées au cœur des salles du musée, elles dialogueront avec les collections, suscitant une mise en perspective inédite ». Et feront aussi écho à l’exposition temporaire intitulée « Join now ! L’entrée en guerre de l’Empire britannique ». C’est donc l’occasion unique de voir des originaux dans un cadre dédié à la guerre de 14-18, une manière aussi pour l’éditeur et le musée de participer à leur manière à la commémoration du centenaire de la Première Guerre mondiale. Pour une plus grande lisibilité et une meilleure compréhension, les originaux seront répartis dans des salles thématiques : « Tactique et stratégie », « Guerre nouvelle » et « Mobilisation totale », au cœur des collections permanentes.
Des ateliers de bande dessinée (à partir de 12 ans) permettront aux plus jeunes, pendant les vacances de la Toussaint, de découvrir l’univers de la BD à partir des dessins de Joe Colquhoun, son illustrateur. Une façon intelligente et ludique de s’intéresser à 14-18 ou de transmettre sa mémoire.
Enfin, le label Delirium, en bon professionnel soucieux de satisfaire les fans de la première heure, sort également un portfolio rendant hommage aux auteurs Pat Mills et Joe Colquhoun, en partenariat avec le magazine Guerres et Histoire et le Musée de Meaux. En édition limitée (500 exemplaires), il contient une sélection des plus belles planches reproduites en format 29,7 x 42 cm et coûte 60 €. Un bel écrin réservé aux passionnés.
Un programme de toute beauté et bien pensé, riche aussi, qui rend hommage à cette BD méconnue du public français et pourtant incontournable, tout en participant au nécessaire travail de mémoire. Parfait !
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La Grande Guerre de Charlie #7 – La Grande Mutinerie.
Par Joe Colquhoun et Pat Mills.
Delirium, 22 €, le 14 octobre 2014.
Exposition « Charley’s War : une représentation anglaise de La Grande Guerre ».
Jusqu’au 4 janvier 2015.
Musée de la Grande Guerre du pays de Meaux.
10h-17h30, sauf le mardi. Tarifs: 5-10 €.
La Grande Guerre de Charlie – Portfolio.
Delirium, 60 €, le 14 octobre 2014.
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