Trois albums originaux et humains sur la Seconde Guerre mondiale
Les bandes dessinées traitant de la Seconde Guerre mondiale emplissent les rayonnages des librairies sans toujours parvenir à proposer de nouvelles approches. Heureusement certains auteurs se démènent pour parvenir à parler du conflit autrement, sans ressasser les clichés, sans en faire trop et en utilisant des angles peu usités. Parmi les dernières sorties, il nous tenait à cœur de parler de trois œuvres parues en 2022. La première revient sur le récit fictif d’une institutrice résistance, le deuxième est une histoire tirée de la vraie vie de la résistante Dita Kraus et le dernier retrace l’histoire, la traque et le procès d’un des pires criminels de l’humanité.
L’Institutrice #1-2
Yves Lavandier & Carole Maurel
Albin Michel – 16,90 €
Pendant la Seconde Guerre mondiale, Marie-Noëlle, une institutrice bretonne résistante, fait tout pour protéger Jacques Rosenthal de la milice locale, fort zélée, qui cherche ce jeune juif pour le livrer à l’ennemi. Mais c’était sans compter sur la pugnacité de l’enseignante, prête à tout pour protéger tous ses élèves, quelles que soient leurs croyances ou origines ! Cette bande dessinée en deux tomes retrace une petite histoire dans la grande Histoire, de celles dont l’on ne connaît souvent rien, effacées derrière le récit officiel d’un conflit mondial. Hommage au métier d’enseignant, aux résistants et aux petites actions isolées qui ont permis de sauver des gens en temps de guerre, ce diptyque prend vie sous le trait de Carole Maurel (Coming in, Nelly Bly, Écumes…). Son dessin en même temps dynamique et délicat et sa mise en couleur à l’aquarelle parviennent à retranscrire le rythme et l’émotion. Sans manichéisme, et avec une vision particulièrement rare de cette guerre, les personnages attachants ou repoussants sont incontestablement humains. Une belle proposition loin des clichés et de l’imagerie nazie qui surabonde par pur opportunisme.
La Bibliothécaire d’Auschwitz
Salva Rubio & Loreto Aroca d’après Antonio G. Iturbe – Traduction : Lise Gallot
Rue de Sèvres – 22 €
Publié en 2012, La Bibliothécaire d’Auschwitz est d’abord un roman de que l’écrivain espagnol Antonio G. Iturbe a écrit en s’inspirant de la vie de Dita Kraus, survivante du centre d’extermination d’Auschwitz-Birkenau. Suite à l’annexion de la Tchécoslovaquie par le Troisième Reich en 1939, elle et sa famille sont chassés de chez eux, puis déportés. Après bien des péripéties, elle arrive avec sa famille à Auschwitz en décembre 1943. Elle est placée dans le camp BIIB, où elle rencontre Fredy Hirsch qui lui confiera une mission dangereuse : être la responsable des 8 livres que les déportés ont réussi à dissimuler aux nazis. Écrite récemment, cette histoire présuppose une connaissance du sort réservé aux juifs et aux déportés durant la Seconde Guerre mondiale, ce qui lui permet d’évoquer des événements et faits sans être lourd ou précepteur. Totalement abordable, le récit en est donc largement allégé, malgré la tension évidente qui se dégage de ses pages. Un ouvrage au très grand format qui laisse aux personnages de Loreto Aroca la place de respirer un tant soit peu et à présenter cette importante part d’histoire sans misérabilisme.
Klaus Barbie – La Route du Rat
Frédéric Brrémaud & Jean-Claude Bauer
Urban comics – Urban graphic – 20 €
Surnommé « Le boucher de Lyon », Klaus Barbie est sans aucun doute l’un des plus connus et charismatiques SS qu’ait dû affronter la France. Ayant fui l’Allemagne nazie pour se rendre en Amérique du Sud grâce à la ratline, réseau d’exfiltration nazi qui a permis à nombre de ses compatriotes hauts placés de prendre la fuite, l’officier de police et chef de la Gestapo sur le sol français avait réussi à échapper à la justice. Heureusement, fort de longues investigations, le couple Beate et Serge Klarsfeld avait réussi à retrouver sa trace, permis sa capture et son procès, historique par son importance et son ampleur. Très documenté et mis en image par Jean-Claude Bauer, dessinateur qui avait déjà œuvré en tant qu’auteur de croquis d’audiences lors du procès de 1987, cet ouvrage retrace le parcours d’un des plus grands criminels de guerre qu’ait connu l’Humanité. Le dessin très réaliste rehaussé de quelques couleurs reprend d’ailleurs les codes des dessins de tribunal et convient parfaitement à cette retranscription de vie et de procès. L’ouvrage se termine avec un dossier complet sur Klaus Barbie, une réflexion sur la notion de crime contre l’Humanité, ainsi que le témoignage de son dessinateur qui a vécu le procès au plus près. En résulte un document complet, accessible et nécessaire, à lire et partager avec les jeunes générations.
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