Trois beaux livres autour de la ligne claire
Pourquoi ne pas profiter de l’été pour se poser et admirer trois beaux livres, dédiés à trois artistes qui ont chacun développer leur ligne claire : Jacobs, Floc’h et Swaarte.
By jove ! Une exposition !
À l’occasion de l’exposition « Scientifiction, Blake et Mortimer au musée des Arts et Métiers », qui se tient à Paris jusqu’en janvier 2020, un bel ouvrage vient de paraître, en guise de guide et catalogue. On y admire des planches originales d’Edgar P. Jacobs, mais aussi ses calques de couleurs (superbes), des croquis, plans et schémas, mis en regard d’objets issus des collections du musée. Et ce, pour mettre en évidence le goût pour les sciences et techniques de l’auteur, qui arpenta le registre de la science-fiction avec un soin quasi maniaque du détail et de la plausibilité. « Toutes fictives qu’elles soient, la science de Jacobs et les inventions qu’il en fait découler reposent sur une étude minutieuse et informée de ce qui est, et, partant, de ce qui pourrait être », résume Pascale Heurtel, directrice du musée, en introduction. L’Espadon, les radars, les robots, les générateurs d’énergie… Jacobs a inventé et dessiné des prouesses technologiques qui, pour certaines, ont connu un prolongement réel ou du moins approchant. C’est ce que montre ce volume, élégant et au fort joli papier, au fil de textes de Thierry Bellefroid et Éric Dubois, commissaires de l’exposition, mais aussi d’une interview de François Schuiten (auteur du récent Le Dernier Pharaon) et d’une promenade dans les maquettes et sculptures créées par Jacobs, par le journaliste Daniel Couvreur. Un beau livre d’histoire de la bande dessinée en même temps que d’histoire des sciences.
Scientifiction, Blake et Mortimer au musée des Arts et Métiers.
Éd. Blake et Mortimer / Musée des Arts et Métiers – Cnam, 96 p., 30 €.
Un Français so british
Nostalgie anglaise encore, avec cet Art by Floc’h, luxueux ouvrage compilant des illustrations de ce tenant d’une ligne claire épaisse et expressive, d’une classe intemporelle. Floc’h avait marqué la BD franco-belge avec sa Trilogie anglaise, écrite avec François Rivière. Et a depuis imposé son trait noir précis et fluide dans la presse ou le cinéma. On chemine à travers des illustrations pour les magazines New Yorker, Monsieur, Interiors, des marques (Cartier, Château Angélus), mais aussi pour des affiches de films d’Alain Resnais, Woody Allen ou Bruno Podalydès. On se souvient aussi que Floc’h est un très bon portraitiste, saisissant de sa ligne unique un regard, un geste, une posture (voire ses portraits de Calder, Groucho Marx, Jacques Tati ou Judy Garland), et jouant sur des aplats de couleurs marqués – ainsi que sur le blanc – pour établir le contraste adéquat. Contraste et distanciation, voire regard caustique dans certaines images, semblent être des constantes dans son oeuvre illustrée. Floc’h est rétif à l’idée d’une exposition rétrospective de son oeuvre, note Nicolas Trespallé dans l’unique texte de l’ouvrage. « Si ce livre est si singulier et précieux, c’est qu’il vient combler cette lacune. » Et ouvrir, selon lui, « les portes de son musée cérébral »… Qu’on aime ou pas ce style faussement suranné, ce très beau livre numéroté (2500 exemplaires) et signé par l’auteur en impose, et invite à chercher l’étrange et l’incongru dans ces dessins sélectionnés à dessein.
Art by Floc’h.
Champaka, 120 p., 45 €.
Les 150 leçons du Pr. Swarte
Le Néerlandais Joost Swarte est un dessinateur à part, à la ligne claire d’une grande précision et d’une grande finesse, sans jamais être rigide, au service d’un humour résolument absurde. La compilation de Passi, Messa! par Dargaud vient le rappeler. Sous-titré « Comment améliorer son sort en 150 leçons », ce volume reprend les quatre ouvrages publiés par Futuropolis dans les années 1980 et en ajoute un, inédit en français. À chaque « leçon », le principe est le même : page de gauche, une légende et son dessin avec parfois des bulles, autour d’une situation fâcheuse ; page de droite, même dispositif, avec la solution (ahurissante) au problème. Tabagisme, pollution, bricolage, trouble du voisinage, ou plus généralement place de l’individu dans une société de consommation et de paraître, autant de grands thèmes qui passent à la moulinette rigolarde de Swarte, dans ce chouette petit volume cartonné. Comme une gentille petite brique à balancer à des amis chers au sens de l’humour aiguisé, qui picoreront à l’envi de petites idées surréalistes pour pimenter leur quotidien.
Passi, Messa!.
Dargaud, 304 p., 25 €.
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