Tsav 8
Quand le téléphone sonne au petit matin, indiquant un « numéro masqué », Gilad sait que c’est l’armée qui appelle. Il va devoir remplir son devoir de réserviste, alors qu’Israël subit une pluie de roquettes et se prépare à une intervention lourde en bande de Gaza. Cette mission qu’il craint tant, lui qui sait bien mieux manier le crayon que le fusil, le renvoie des années en arrière, lors de son pénible service militaire…
Bel exercice autobiographique, Tsav 8 ne pose pas la question de l’engagement patriotique, mais bien celle de la perception intime d’un artiste par rapport à l’appareil militaire, d’un homme qui se sait inadapté aux armes et à l’uniforme, dans un pays en guerre permanente. Sa tâche de réserviste – il est chargé de remettre des ordres de mobilisation à d’autres réservistes – le met rapidement face à sa condition, et la découverte d’un dessin d’enfant dans une école réquisitionnée fait rejaillir le souvenir de ses premiers pas comme soldat. Rétrogradé pour raisons psychologiques, il fit son service en tant que sentinelle et rencontra un drôle de type à qui il offrit un dessin… que ce dernier se fit tatouer plus tard sur le torse. C’est donc bien du pouvoir des images, et du dessin en particulier, qu’il s’agit ici, un griffonnage d’étudiant devenant un talisman gravé dans la peau pour celui qui le reçoit. Jouant d’une ligne minimaliste, comme à peine esquissée, qui prend corps grâce à un intelligent système de cases, de cadrage et de mise en couleurs, Gilad Seliktar (Ferme 54) emmène avec douceur son lecteur dans ses interrogations d’artiste, poussé par des événements pourtant si éloignés de son travail à regarder en arrière et apprécier le chemin parcouru : celui d’un auteur qui a éclos, au milieu des armes et des bruits de bottes.
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