Un artbook qui en jette : The Birth of Rockin’ Jelly Bean
Voilà sans aucun doute un des plus beaux livres de la rentrée: The Birth of Rockin’ Jelly Bean, recueil classieux et haut en couleurs d’un illustrateur japonais hors norme.
Élevé à Hawaï puis au Japon par un père pasteur et une maman plutôt stricte, le jeune Rockin’ Jelly Bean adopte ce nom de scène quand il joue de la basse au sein du groupe de surf rock nippon Jackie & the Cedrics. C’est l’orée des années 1990, et cette musique rétro est en vogue au Japon comme aux États-Unis. Étudiant en art, Rockin’ Jelly Bean se fait la main en illustrant les flyers de son groupe, et testant différentes manières de les imprimer avec des toners de couleurs. Repéré, il dessine des pochettes de disques pour d’autres groupes japonais, comme les 5.6.7.8’s. Puis il fait une tournée aux États-Unis, où il découvre tout un pan de la contre-culture qu’il aspirait, sans le savoir réellement, à rejoindre.
Il se penche sérieusement sur la Kustom Kulture et le Hot Rod, le lowbrow art (art modeste) et les dessins de Robert Crumb. Son style s’en ressent rapidement, et de son génial coup de crayon naissent des images peuplées de demoiselles voluptueuses dans des postures, disons, audacieuses. Revenu dans l’archipel, il décide de retourner très vite s’installer en Californie. Il se déchaîne alors, produisant un très grand nombre d’images pour des clients divers (magazines porno, pub pour Sony, matériel promotionnel pour des films Z…), afin d’affirmer son style et de financer son voyage. Son trait se précise, son imagination se débride et son soin maniaque dans le choix des couleurs le fait remarquer – on est encore dans une époque sans Photoshop et il travaille en lien étroit avec les imprimeurs.
En 1995, il quitte Tokyo pour Los Angeles, se frotte aux artistes locaux, signe des couvertures pour le magazine spécialisé dans les figurines Amazing Characters, crée lui-même des figurines (Barbarockets) et lance sa propre marque au nom programmatique: Erosty Pop! Face au puritanisme américain persistant, il scindera plus tard les activités de sa marque, avec des produits destinés au Japon (plus libéré) et d’autres aux États-Unis. Il faut dire que ses pin-up de toute beauté sont aussi fantastiques que dénudées, et que les connotations rock’n’roll disparaissent parfois sous les fluides corporels… Ce qui ne l’empêche pas d’enchaîner les contrats et collaborations, avec d’obscurs groupes punk ou de grandes marques commerciales.
Puis vient le temps de l’apogée, avec ses premières expos personnelles, et son retour au Japon en 2004. C’est à ce moment-là qu’il arborera définitivement un masque de luchador mexicain, pour dissimuler son visage défiguré par un accident de moto. Il ouvre par la suite plusieurs boutiques Erostika au Japon, et assoit son statut de star là-bas. Le présent ouvrage a d’ailleurs été publié au Japon en 2014 par Wanimagazine, et c’est Ankama qui le publie en édition bilingue français-anglais aujourd’hui. Le résultat est tout simplement à couper le souffle. Sur plus de 200 pages grand format s’étalent des dessins de toute beauté, reproduits avec grand soin dans une débauche de couleurs vives et de tétons qui pointent. Quelques pages à déplier et fac-similés de ses indications ultra-précises pour les imprimeurs ajoutent au bonheur. On regrettera juste un texte à la tonalité un peu trop hagiographique et dithyrambique, et l’absence de témoignages de l’artiste ou de collaborateurs. Mais visuellement, The Birth of Rockin’ Jelly Bean est impeccable. Une claque et une belle (re)découverte, qui a toute sa place au sein du Label 619 (Mutafukaz, Freak’s Squeele, la revue Hey!…). Un must.
The Birth of Rockin’ Jelly Bean.
Ankama – Label 619. 39,90 €.
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