Un colossal artbook pour « Dreamland », pionnier du manga français
Massif ! C’est le premier mot qui vient à l’esprit lorsque l’on a Dreamland, l’artbook de Reno Lemaire entre les mains ! Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 380 pages pour un ouvrage frisant les 30 cm de hauteur, et pour une épaisseur record de 3 cm ! C’est simple, rares sont les auteurs français contemporains à avoir eu les honneurs d’un tel mastodonte de papier compilant leurs œuvres.
Huit mois de travail furent nécessaires à l’auteur pour réunir et présenter les 600 illustrations de l’ouvrage, revenant sur 14 années de longévité éditoriale. Un artbook qui ne se contente pas d’être un bottin de belles images : on y trouve moult textes explicatifs, fiches de présentation de personnages, dessins hommages de collègues du dessinateur vedette, et même 3 QR Code dissimulés qui vous donneront accès à du contenu en ligne. À noter cependant que l’ouvrage contient quelques illustrations coquines (mais soft), le réservant à un public averti.
Si les formes y sont, qu’en est-il du fond artistique ? Reno Lemaire est un dessinateur atypique dans le paysage du manga français. Il a démarré sa carrière à une époque où les auteurs inspirés par le manga n’avaient pas franchement bonne réputation auprès des professionnels, ni auprès du public fan de manga. Car ce dernier est un tantinet rancunier. Si une bonne partie du lectorat actuel de manga n’a pas connu les années 1980-90 et sa débauche de griefs contre la création japonaise en général (animation incluse), il n’en oublie pas qu’elle fut conspuée et marginalisée à cette époque pas si lointaine.
Aujourd’hui, le manga est devenu mainstream, mais en ce début des années 2000, la rancune est tenace. Le manga grignote des parts de marché, les fans regardent presque avec dédain ceux qui les avaient honnis des années auparavant. Et bien entendu, une partie de ces fans ne veulent plus se contenter d’admirer, ils veulent participer au phénomène et devenir auteurs de mangas à la française. Hélas, le public est méfiant, voire méprisant, soupçonnant – parfois à juste titre – une récupération commerciale par des imitations de pacotille. Reno Lemaire arrive en plein dans cette période et il lui faudra alors beaucoup de ténacité pour imposer sa série Dreamland, et surtout pour sortir du ghetto des auteurs catalogués « vils profiteurs d’un phénomène qui n’est pas une mode, mais un vrai art ». Une belle revanche donc… Mais qui se fit à la force du poignet et de la plume !
Avec son trait résolument shônen (manga pour ado type Naruto ou One Piece), Reno Lemaire se forge un style cartoon et dynamique, au final très en phase avec les tendances actuelles du genre. Il faut donc accrocher à cette patte particulière qui essaie donc d’avoir une touche personnelle tout en respectant les canons académiques du genre. Mais le résultat est là, 14 années de création de mangas français, c’est un sacré record !
Au final, cet artbook se pose comme l’apogée d’une œuvre colossale, Everest d’un auteur à la volonté d’acier, et ne rêvant que d’aller encore plus haut. Dans cette foire au grandiose, on notera avec satisfaction un dernier nombre, tout petit : 35 €. Un prix attractif pour un tel monument de l’histoire des art books made in France !
Kara
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Dreamland, l’artbook.
Par Reno Lemaire.
Pika, 380 p., 35 €, octobre 2020.
Dreamland © Reno Lemaire / Pika Édition
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