Un "Gainsbourg" émouvant et onirique, par Joann Sfar
Il semble s’être offert un rêve de gosse : revisiter l’existence d’une statue chahutée de la chanson française. Pour son premier long-métrage, Joann Sfar s’est attelé à la vie de Serge Gainsbourg. Dans le beau pavé dessiné qu’a publié Dargaud avant la sortie du film, l’artiste se défend d’avoir voulu retracer la carrière de ce chanteur qu’il aime tant : « C’est l’histoire d’un poète qui a décidé de conquérir la France en s’appropriant la langue française, explique-t-il. Ça n’est pas une biographie, c’est un récit épique. Si ça n’a pas la fougue d’un roman russe, c’est loupé. » À la demande de la famille de l’homme à la tête de chou, il a d’ailleurs été précisé qu’il s’agissait d’un « conte », pour mettre l’accent sur le côté fantasmatique de l’affaire.
Dès le départ, l’auteur du Chat du rabbin, de Klezmer ou de L’Ancien Temps pose les choses. On découvre son héros tout gamin (le très juste Kacey Mottet-Klein), touché de plein fouet par l’ostracisme envers les juifs, sous l’Occupation. Le petit Lucien brandit sa pseudo-différence en étendard, et dialogue avec une drôle de bestiole, archétype nauséabond de la figure du Juif, tout droit sortie de son inconscient. Dessinateur doué et exigeant, le mouflet brillant se rêve peintre. Mais il finit par abandonner les pinceaux pour se remettre au piano – que son père, musicien, l’encourageait à fréquenter.
Dans un Paris artistiquement vibrant, le spectateur suit alors l’ascension d’un jongleur de mots et de notes séducteur. Juliette Gréco (Anna Mouglalis) se pose un temps en Pygmalion, Brigitte Bardot (Laetitia Casta) l’enflamme, Jane Birkin (Lucy Gordon) l’inspire, Bambou (Mylène Jampanoï) le repêche. Joann Sfar suit cette « vie héroïque » d’une caméra caressante, et en trace l’évolution de façon linéaire, presque sage. Sa fantaisie se situe dans le personnage imaginaire de La Gueule (Doug Jones), traduction du Gainsbarre barré et pendant déformé de la caricature juive du début du film. Toutes les frustrations, le mal-être, les jalousies ou la peur de n’être pas à la hauteur du chanteur s’expriment dans ce double qui ose, jusqu’au malheur ou à la folie.
L’autre sérieux atout du film, c’est son casting terriblement bien choisi. Grimé en Gainsbourg, Eric Elmosnino ressemble tant à l’artiste que c’en est troublant. Pourtant, il ne le singe à aucun moment. Son interprétation baigne dans la finesse, la subtilité, ne tombe jamais dans l’imitation grossière, et fait écho au jeu bluffant de Kacey Mottet-Klein, qui incarne le petit Lucien Ginsburg. Du côté féminin, Anna Mouglalis s’empare d’une Juliette Gréco magnétique, qui lui va comme un gant. L’Anglaise Lucy Gordon –qui s’est suicidée en 2009– donne sa fragilité et sa délicatesse à la représentation de Jane Birkin. Mais celle qui en met plein les yeux s’appelle Laetitia Casta : teinte en blonde, l’ancien mannequin excelle dans le rôle de Brigitte Bardot, dont elle adopte le phrasé avec aisance, sans le pasticher. Porté par de tels comédiens, Joann Sfar (qu’on s’amusera à reconnaître en Georges Brassens) livre un portrait à la fois singulier et universel, celui d’un homme criblé de failles et terriblement touchant.
Laurence Le Saux
Gainsbourg (vie héroïque)
Un long-métrage de Joann Sfar, avec Eric Elmosnino, Lucy Gordon, Laetitia Casta, Doug Jones, Anna Mouglalis, Mylène Jampanoï, Sara Forestier, Kacey Mottet-Klein, Razvan Vasilescu, Dinara Droukarova, Philippe Katerine, Deborah Grall, Yolande Moreau… Durée: 2h10. En salles le 20 janvier 2010.
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Photos © Universal Pictures.
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Je suis allé voir hier ce film. Voila ce que j’en pense:
Un excellent premier film (pour Sfar, surtout familier de la BD) et un un très bon biopic. On revisite à la façon de Sfar la vie de ce grand chanteur et compositeur, amateur de jolies femmes tout comme moi (et aussi de cigarettes et d’alcool, mais là je me suis calmé sur le conseil de mon médecin). Bonne musique bien sûr, je ne vous ferai pas l’affront de vous citer le compositeur de la bande-son. Et de jolies actrices…. -
Je suis allé voir hier ce film. Voila ce que j’en pense:
Un excellent premier film (pour Sfar, surtout familier de la BD) et un un très bon biopic. On revisite à la façon de Sfar la vie de ce grand chanteur et compositeur, amateur de jolies femmes tout comme moi (et aussi de cigarettes et d’alcool, mais là je me suis calmé sur le conseil de mon médecin). Bonne musique bien sûr, je ne vous ferai pas l’affront de vous citer le compositeur de la bande-son. Et de jolies actrices…. -
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Un excellent premier film (pour Sfar, surtout familier de la BD) et un un très bon biopic. On revisite à la façon de Sfar la vie de ce grand chanteur et compositeur, amateur de jolies femmes tout comme moi (et aussi de cigarettes et d’alcool, mais là je me suis calmé sur le conseil de mon médecin). Bonne musique bien sûr, je ne vous ferai pas l’affront de vous citer le compositeur de la bande-son. Et de jolies actrices….
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