Un matin avec Mlle Latarte
Mlle Latarte, alter ego évident de Caroline Sury, vit une relation terrible avec PsycoJumbo. Un homme qui la broie, l’écrase sous les reproches incessants, les exigences absurdes et humiliantes, la manipulation permanente. Une violence psychologique faite de culpabilisation et de domination, une torture quotidienne qui vire au harcèlement quand elle finit par couper les ponts.
Forte d’un univers visuel viscéral et puissant, qu’elle a développé en cofondant la maison Le Dernier Cri à Marseille, Caroline Sury a construit ici une bande dessinée dans un registre à la fois cathartique et cérébral. Avec son noir et blanc torturé, proche d’une forme d’art brut, elle décolle du simple témoignage en se dessinant en femme-tartelette, en faisant de son copain (un grannnnnnd aaaaartiste) un éléphant repoussant, et de ses amis des animaux punks hauts en couleurs. Et elle fait intervenir, au fil de sa descente aux enfers du harcèlement, ses « jokers », ses proches qui, chacun à leur manière, l’ont aidé à se sortir de cette cage mentale : dans ces saynètes, elle tente de demander de l’aide, mais semble incapable de l’accepter ou de la formuler correctement, syndrome classique chez les victimes de manipulateur, qui trouvent toujours des excuses à leur bourreau, à commencer par leur propre et prétendue faiblesse. Ce choix visuel et narratif a été exploité avec succès dans l’exposition installée au festival d’Aix-en-Provence l’an dernier. Et si on vous parle de cet album un an après sa sortie, c’est parce qu’il est une oeuvre très aboutie d’une autrice trop rare en bande dessinée, sur un sujet d’une importante capitale, et qu’il est en compétition au prochain Festival d’Angoulême. Trois très bonnes raisons, donc.
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