Une affaire de caractères
Bibelosse est un village bien singulier. Peuplé d’écrivains et de jongleurs de mots. La vie locale tourne ainsi autour de joutes verbales en vers, d’intenses parties de Scrabble, de visites à la librairie. On y croise un pénible colporteur de guides en tous genres; des jumeaux qui ne disent qu’un mot sur deux, laissant l’autre compléter; une famille dont chaque membre n’utilise qu’une seule voyelle dans ses phrases (pas facile pour celui qui a le U); l’inventeur d’une machine à produire des récits; un étrange personnage ne s’exprimant qu’avec un seul mot, mais donnant chaque fois la définition… Malgré ses bizarreries, ce petit monde coule des jours paisibles, jusqu’à ce qu’un de ses plus fameux écrivains est retrouvé assassiné, pendu au fond d’un puits…
Habitué à jouer avec les mots et les bons mots, François Ayroles délaissent ses écrivaillons de sa série Les Plumes (scénariste par Anne Baraou) pour composer une délicieuse comédie policière, comme un mélange entre un Cluedo et un Scrabble. Où tout est question de lettres, de mots, de références à la littérature et au 9e art, dans une atmosphère hors du temps. En membre actif de l’OuBaPo (Ouvroir de bande dessinée potentielle), Ayroles s’impose des contraintes de forme, ici dans les dialogues, dans un album qu’il a mis près de dix ans à bâtir. À la lecture, c’est tout simplement jouissif : on s’amuse et on applaudit devant ses trouvailles, on cherche le coupable avec attention, on sourit à ses clins d’oeil à Pérec, Simenon, Hergé… Forte d’un trait expressif et précis, parfaitement souligné par une mise en couleurs réfléchie et limpide, Une affaire de caractères est un parfait inclassable de bibliothèque, de ces albums en décalage qu’on aimerait lire plus souvent.
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