Une BD pour revivre le Tour de France des années 1920
Les boyaux pendent à leur cou, en pleine ascension du Tourmalet. Eux, ce sont les forçats de la route, ces hommes un peu fous partis à la conquête des cimes du Tour de France avec pour seule arme un bout de fer entre les jambes et des pédales. Dans les années 1920, on les voit avaler les pentes malgré le froid glacial et la pluie qui fouette, on les voit dévaler en déjouant les nids de poule sans éviter les chutes. En jeu, un peu de gloire mais surtout beaucoup de souffrances. Ils sont cuits, jouent l’intox mais inspirent le respect car courageux. Ces ouvriers du bitume s’arrachent, mettent leur tripes sur la route dans des raids insensés qui ressemblent à des expéditions pétries de dangers…
En plein Tour de France, et c’est logique, Glénat réédite Tour de force (2005), signé Frédéric Kinder, accompagné d’un petit texte de Charly Mottet, l’ancien grimpeur et champion français de l’équipe RMO. Frédéric Kinder parle d’une autre époque : celle des étapes longues de 400 km, des pentes caillouteuses ravinées par la pluie et des petites combines. Neuf historiettes qui mettent en scène la légende du Tour et ses acteurs. « Forçats de la route » pour Albert Londres, ce sont des « bœufs de labour » pour Henri Desgrange (le fondateur du Tour de France et patron du journal L’Auto). Ils bravent les pires conditions, affrontent des douleurs inhumaines et, ici ou là, prennent un petit remontant histoire de tenir.
À l’appui d’une ligne claire simple jouant de teintes nourries de nostalgie, voilà un joli portrait de l’âme en forme d’hommage à des héros crédibles, victimes expiatoires d’une grande boucle impitoyable. Et une BD qui fait écho à ces propos de Georges Vigarello (historien et philosophe) sur le Tour de France, source de fascination : « (…) le Tour est un défi, un truc fou qui réinscrit de l’inhumain dans l’humain, de l’impossible dans quelque chose d’existant » (interview dans L’Équipe le 11 juillet 2017). Mais c’est aussi Lapize qui, en 1910 dans le col de l’Aubisque, lance aux organisateurs : « Vous êtes des assassins ». Une période peut-être pas si révolue que fans de la petite reine ou simples curieux apprécieront. Pour imaginer l’impossible à défaut de le croire.
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Tour de Force.
Par Frédéric Kinder.
Glénat/Treize étrange, 64 p., 13.90 €, juin 2017.
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