Une histoire dessinée de la guerre d’Algérie
Le 1er novembre 1954, trente attentats sont commis presque en même temps sur le territoire algérien. Les cibles : postes de police, casernes, grandes propriétés, autant de symboles de la présence coloniale française. L’insurrection révèle ainsi la dualité du territoire : le fossé entre la population musulmane d’Algérie et la présence française n’a cessé de se creuser depuis 1945. Le début d’une guerre fratricide, entre impuissance des gouvernants, rivalités internes et souffrances des populations.
Pas facile de traiter de la guerre d’Algérie. Et la BD, finalement, s’impose comme le médium idéal pour en aborder les enjeux. C’est en tout cas ce que montre brillamment cette Histoire dessinée de la guerre d’Algérie, rigoureux travail séquentiel. À la baguette, un historien spécialiste, Benjamin Stora, véritable autorité en la matière, épaulé par Sébastien Vassant, déjà remarqué dans le même registre (Frère d’ombre, Juger Pétain, Politique qualité…). Le résultat, vif et documenté, est de grande qualité car le duo réussit à cerner l’essentiel, à savoir illustrer et expliquer les faits, sans en sacrifier la complexité. Dans la manière de doser les textes, de varier les contextes – du témoignage à l’histoire in situ -d’insuffler du rythme. De cette guerre qui ne dit pas son nom (« opération de maintien de l’ordre »), rien n’est éludé. De l’octroi des pouvoirs spéciaux en mars 1956 au retour de De Gaulle en politique en passant par la lutte entre le FLN et le MNA de 1955 à 1962, sans oublier les massacres, les tortures, les attentats… On assiste à la naissance douloureuse d’un État, traversé par les déchirements, mais aussi à la fin d’un Empire, traumatisante pour beaucoup.
En 190 pages, les auteurs livrent des clés de lecture avec des faits, des dates, des personnages, sans faire la leçon ou sans didactisme pesant, mais avec un sens aigu de la pédagogie : portraits, cartes, affiches, symboles et paysages convoquent toute une imagerie, support efficace d’un récit au visuel sobre, adouci par des couleurs intelligemment délavées. Le soin apporté au découpage par Sébastien Vassant est aussi remarquable car, dans une large mesure, il participe au rythme du récit. Plus que répondre à un devoir de mémoire, les auteurs montrent donc qu’il existe plus que jamais un devoir d’Histoire. Vivante, limpide et accessible, cette histoire dessinée est une porte ouverte sur une guerre qui hante encore les mémoires. Une BD référence sur le sujet.
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