Une vie – Winston Smith #3
Winston Smith a grandi sans père, dans l’Angleterre des années 1910-1920. Sa mère, cantinière allemande dans une école pendant la Grande Guerre, n’a reçu que moqueries et rejet, tandis que lui, frêle et introverti garçonnet, s’est réfugié dans les études. Avec réussite (un peu forcée par un petit acte d’empoisonnement, tout de même), puisqu’il est parvenu à gagner la très chic Eton. Où il a croisé un certain Blair, arrogant et rebelle étudiant, qui allait devenir George Orwell. C’est le parcours de ce mystérieux Smith, en poste en Asie dans ce troisième tome (sur quatre), qui est déroulé ici, via la lecture de sa prétendue biographie…
Prétendue, car de toute évidence, ce Winston Smith n’a jamais existé. L’intelligent et facétieux Christian Perrissin (Martha Jane Cannary) a nommé son héros comme celui du roman 1984 d’Orwell, et situé son intrigue (la fille d’une connaissance de Smith, découvrant ses archives) en… 1984. Cet artifice scénaristique donne du piquant à une saga littéraire et historique fort bien documentée, et qui fait le choix opportun de se placer au plus près du jeune Winston, victime de tourbillons émotionnels importants. Car ce garçon cherche sa place, dans une société anglaise très fermée, dans le coeur d’une femme plus âgée que lui, dans un empire colonial en perte de vitesse. Il cherchera aussi dans la compagnie et le regard de Blair/Orwell une reconnaissance et une motivation à devenir quelqu’un. Grâce à une écriture complexe mais parfaitement lisible, on se passionne pour cette série dense et riche, toujours juste dans l’équilibre entre information et émotion, notamment grâce aux planches somptueuses et nuancées de Guillaume Martinez. Si le sujet et les couvertures peuvent paraître peu excitantes de prime abord, il faut passer outre ses a priori : car on se laisse vite happer et la magie opère.
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