Unfollow
Earthboi n’est pas un garçon comme les autres. Il est né de la Nature et porte en lui la mémoire de la Terre, depuis ses origines. Observant de nos jours comment les hommes ont saigné la planète et gaspillé ses ressources, il va fuir la société pour vivre en ermite dans la forêt. Mais connecté aux humains et à leurs habitudes, il va documenter sur les réseaux sociaux son quotidien et peu à peu prêcher une parole inédite et salutaire. Et séduire des hordes de suiveurs. Mais cela n’est que le premier chapitre d’un plan, immense, global, vertigineux, pour tenter de sauver un monde.
Découvert avec Vacuum, l’auteur allemand Lukas Jüliger imagine ici un récit d’anticipation autour de l’effondrement de l’espèce humaine, mais en prenant le parti original d’en imaginer une solution à travers une sorte de messie hippie connecté, qui profite de ses connaissances innées, de son charisme et de la puissance des algorithmes pour tenter de sauver ce qui peut encore l’être. Mais évidemment, une application de méditation et un smoothie de champignons ne suffiront pas, car l’imprévisible et les pulsions sont dans la nature humaine, et dictent en bonne partie le grand récit de la vie terrestre. Au niveau du scénario, donc, rien à redire, le propos est original et ambitieux, bien mené. Côté dessin, le crayon de l’auteur se veut sobre, entre ligne fluide, hachures discrètes et ombres à peine vaporeuses, le tout souligné de roses et bleus nuancés. L’équilibre est efficace, mais c’est au niveau de la narration que le bât blesse par moments. Car le parti pris de Lukas Jüliger est celui d’un récit en voix off totale, c’est-à-dire sans dialogue ni son extérieur. Un récitatif pas désagréable, mais qui fait trop pencher le livre vers l’album illustré plus que vers la BD. Surtout, ce choix engendre une prose lancinante, voire ronronnante, qui fait un peu décrocher de l’histoire. Trop de distance entraîne souvent une forme de désincarnation, et c’est le cas ici. Dès lors, la chute violente n’en paraît que plus artificielle et gratuite.
Dommage : on aurait préféré aimer Unfollow inconditionnellement, on ne fera qu’en garder le souvenir d’une idée fascinante qui n’a pas été transformée jusqu’au bout.
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