La première double page ouvre l’intrigue de ce manga par une image immédiatement marquante. Dans celle-ci, une jeune femme chute la tête la première le long de la façade d’un immeuble. Le noir de ses cheveux et de sa robe contraste largement avec le blanc des bâtiments et des reflets de la ville qu’ils réverbèrent. Mais d’elles, point de reflet, une simple ombre grisâtre accompagne sa chute, comme pour souligner son aspect fantomatique et le mystère qui l’entoure. Elle, c’était Aki, et la police cherche à savoir si elle s’est suicidée ou s’il s’agit d’une affaire plus complexe. Shun Mizorogi, écrivain qui était en contact avec elle, est dépêché à la morgue pour identifier la victime. À son arrivée, il rencontre Sakura, une demoiselle qui ressemble comme deux gouttes d’eau à Aki et prétend être sa sœur jumelle…

Autrice touche-à-tout aux 23 années de carrière, Asumiko Nakamura fait partie de ces mangakas qui ont un graphisme immédiatement reconnaissable. Ses contrastes et aplats de noir rappellent le travail de Kiriko Nananan (Rouge bonbon, Blue…), ses visages anguleux celui de Natsume Ono (Goyō, Ristorante Paradiso…) et de Haruko Kumota (La Grande traversée, Le Rakugo, à la vie, à la mort…). Ses lignes gracieusement sinueuses, ses personnages longilignes, ses pupilles dans lesquelles on aime se perdre… il est évident qu’un des grands plaisirs de ses récits transite déjà par son trait souple et plein de sensualité.

Dans ce diptyque, sa précision et sa liberté d’expression paradent de page en page pour sublimer un jeu de faux-semblants hypnotique qui instille le doute en nous perdant à la frontière de la réalité. Se construisant comme un thriller psychologique à la narration tortueuse, cette troublante histoire de suicide émaillée de scènes explicites est une fascinante et enveloppante lecture à la croisée du fantasme et de la littérature.

© nakamura Inc. 2010 / Ohta Publishing Co. – Traduction : Miyako Slocombe