Va-t’en guerre !
Alors que la guerre s’éternise dans les tranchées, la baronne de Pomfrougnac veut tout faire pour soutenir les Poilus. Enfin, surtout si sa générosité rejaillit sur elle et l’illumine de gloire. Elle imagine donc un faux jeu concours et désigne grâce à une medium l’heureux gagnant : ce sera le soldat Carapat ! La baronne, soutenue par l’état-major, dépêche sur le front une paire de soldats, la medium et la dévouée Louise pour remettre sa médaille au militaire et immortaliser l’événement. Sauf que, bien évidemment, rien ne va se dérouler comme prévu.
Pour inaugurer la nouvelle collection Ramdam, ligne de romans graphiques adultes des éditions Jungle, ce one-shot frappe fort : une comédie noire, irrévérencieuse, antimilitariste, à la fois bouffonne et expressionniste, sur la guerre de 14-18. Le scénariste Aurélien Ducoudray imagine une galerie de personnages archétypaux mais forts et évolutifs – la brute increvable qui cache un coeur tendre, la timide assistante qui se mue en égérie pacifiste, le lèche-bottes doux mais pénible – et leur fait arpenter une France étrange, dévastée mais quasi onirique. On y croise une troupe de cirque allumée, on visite un théâtre érotique débridé ou une ferme collectiviste engagée, et la guerre n’a jamais paru si loin. Et pourtant si proche, en creux dans tous les esprits de ces agriculteurs ou artistes qui trompent la mort en prônant l’amour, la solidarité ou l’art. Là, où les uniformes ne prêchent que la destruction et la domination.
Il y a du Fellini dans cette vision, enchanteresse mais désenchantée, et du George Grosz dans les cases de Marion Mousse, au trait épais, brutal et sensible, superbement animé par les couleurs d’Albertine Ralenti. Le résultat est déstabilisant, à la fois drôle et terrifiant, original mais suffisamment bien calibré pour être lisible par tous. Une bonne surprise.
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