Veil
Une jeune femme se réveille dans une station de métro déserte, au milieu des rats. Nue et hagarde, elle manque de se faire agresser par un groupe de voyous concupiscents. Il en sera ainsi de la plupart des hommes qu’elle croise : tous ou presque la veulent, de force s’il le faut. Mais la jeune femme n’est pas prête à se soumettre et ceux qui ont essayé de lui faire du mal vont le payer cher. Car sous airs paumés, elle est en fait un démon.
Assez prévisible dans ses rebondissements comme dans son écriture, volontairement manichéenne, Veil est un conte gothique ultra-classique. Un pur exercice de style, qui pris comme tel, ne manque pas de cachet. En particulier grâce au remarquable travail du dessinateur serbe Toni Fezjula sur la mise en page et les couleurs (il a travaillé sur ce dernier point avec son compatriote Aljosa Tomic). Très à l’aise avec l’univers imaginé par le scénariste Greg Rucka, mêlant film noir et gothique urbain, il fait par exemple débuter chaque chapitre par de belles planches en neuf cases pour neuf gros plans muets instaurant une atmosphère assez incomparable. Il utilise par ailleurs une technique d’ombrage très personnelle qui donne beaucoup de relief à cette histoire toute en bleus et rouges. Et puis dans son thème et son traitement, Rucka, qui s’y connaît en personnages féminins forts (Queen & Country), a le mérite de mettre dans le mille sur la « culture du viol » largement dénoncée en ce moment aux États-Unis à la suite de cas retentissants d’agression sexuelle sur les campus. Son héroïne refuse d’être réduite au statut d’objet par les hommes, y compris par celui qui l’a invoquée depuis les limbes pour servir ses intérêts criminels personnels. Veil est le récit de sa libération, spectaculaire en même temps qu’intime. Mineur mais, dans son genre, très réussi.
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